Acquitator chez la petite fadette

Était-ce une si bonne idée de nommer le très médiatique avocat Éric Dupont-Moretti, ministre de la Justice ? Un an plus tard, presque jour pour jour, la question se pose. Non qu’il fasse moins bien, sur les sujets qui sont de son ressort, que sa prédécesseuse, beaucoup plus effacée ou discrète et qui a beaucoup moins fait parler d’elle. Chacun sait bien que, en Macronie, le dernier mot revient toujours au Président. Sa réputation de grande gueule exposait le régime à devoir gérer des crises, ce qui n’a pas manqué, après les résultats des régionales et sa prise de bec avec son collègue de l’Intérieur, qui l’avait déjà défendu très mollement auprès des policiers mécontents de son supposé laxisme.

Les affaires sérieuses commencent avec une perquisition inhabituelle dans les locaux du ministère de la Justice à la demande de la Cour de justice de la république, habilitée à juger les activités des ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Éric Dupont-Moretti est soupçonné de conflits d’intérêts dans le différend qui l’oppose aux juges du parquet national financier. L’avocat s’était plaint des méthodes employées par les juges, notamment l’examen de ses « fadettes », les relevés téléphoniques personnels, dans le cadre des soupçons concernant l’affaire Paul Bismuth, alias Nicolas Sarkozy. Devenu supérieur hiérarchique des juges contre lesquels il avait porté plainte, il aurait dû de lui-même, s’abstenir de toute intervention dans le dossier. Ce qu’il a fini par faire, en « déportant » tous les dossiers le concernant à l’autorité directe du Premier ministre.

La perquisition aura été longue, certains anciens coffres du bureau du garde des Sceaux ont dû être ouverts par des serruriers, car personne ne savait où en étaient les clés. Ils se sont révélés vides. Le ministre présent lors de la fouille est officiellement « serein ». Je suppose qu’il a confiance dans la justice de son pays. Le contraire serait très surprenant. Il reste néanmoins sous le coup d’une plainte déposée par 3 syndicats de magistrats et l’association Anticor. À ce titre, il risque une mise en examen, et dans ce cas, il pourrait être amené à démissionner de son poste, ce qui n’a pas été le cas après sa défaite aux élections régionales, de même que ses autres collègues battus. À mon humble avis, il faudrait être un saint, ce qui est loin d’être le cas d’Éric Dupont-Moretti, pour garder une totale impartialité dans les affaires auxquelles il a été mêlé avant sa nomination. Il reste aussi à établir qu’il n’a commis aucune erreur dans l’exercice de ses fonctions. Lui qui a réussi à faire acquitter un nombre record de ses clients en qualité d’avocat, aura bien besoin d’un confrère de qualité pour se sortir d’une situation périlleuse, dans laquelle il aurait dans doute mieux fait de ne pas se risquer.