Géométries variables

L’Espagne a dégainé la première en proclamant la réouverture de ses frontières à toutes les personnes vaccinées du monde entier à partir du 7 juin prochain, alors qu’elle vient tout juste de sortir du confinement et de lever les restrictions concernant sa propre population. L’objectif évident de cette annonce est de sauver la saison touristique 2021 en incitant les visiteurs éventuels à réserver dès maintenant leur voyage et leur séjour dans le pays. L’Espagne montre ainsi l’image d’un pays grand ouvert, très accueillant, festif… à condition d’avoir le portefeuille bien garni.

Cette image se télescope en effet avec une autre. Celle des candidats à l’immigration en provenance du Maroc, forçant les barrages très lâches des autorités du royaume chérifien pour prendre pied dans les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla. Une image notamment a fait le tour du monde, comme en son temps celle du petit garçon syrien échoué sans vie sur une plage turque. Cette fois, l’issue est plus heureuse. Grâce à un sauveteur espagnol, un bébé de quelques mois a pu être ramené sur le rivage et pris en charge. Malgré l’émotion légitime soulevée par cet afflux de migrants, plus de 6 000 personnes sur les 8 000 arrivants ont été expulsées immédiatement. C’est le cas de ce jeune Sénégalais, en pleurs dans les bras d’une bénévole de la Croix-Rouge qui tente de le réconforter. Cette photo a valu à Luna autant d’insultes que de félicitations.

Avant de dénoncer la paille dans l’œil de notre voisin ibérique, interrogeons-nous sur notre propre attitude. Nous, la France, le pays des droits de l’homme, toujours prompte à les défendre dans les pays étrangers, dans la limite des relations commerciales, comment accueillons-nous les immigrés, et pouvons-nous donner des leçons aux autres, quand il faut si longtemps pour seulement instruire un dossier de demande d’asile ? Mais cela devrait bientôt changer, grâce à notre haut-commissaire au plan, François Bayrou, qui s’est avisé que les Français « pur sucre » allaient bientôt être trop peu nombreux pour payer sa retraite, qu’on lui souhaite paisible et surtout prochaine, car le Français n’est pas rancunier. Avec un taux de fécondité en recul, comme dans tous les pays européens, le renouvellement des générations n’est plus assuré depuis déjà quelques années. Notre population augmente désormais au seul rythme du solde migratoire, la différence entre les arrivées et les départs de personnes étrangères, notamment africaines. Avec un réalisme désarmant, François Bayrou en tire la conclusion que nous aurons besoin, comme après-guerre, de faire venir des immigrants pour élargir l’assiette des contribuables. N’y voyez aucune motivation altruiste ou généreuse de la part du chef du Modem. Grâce au ciel, pas l’ombre d’une sensiblerie déplacée, mais un pur raisonnement comptable. Heureusement. C’est un coup, sinon, à ne pas se faire réélire à la mairie de Pau.