Une manif pour tous ?

Peut-être. Les syndicats de police appellent à manifester demain 19 mai devant l’Assemblée nationale, au cours d’une « marche citoyenne » destinée à soutenir les forces de l’ordre après la mort d’Éric Masson à Avignon. Et devinez quoi ? Non seulement la manifestation ne sera pas interdite, comme celle de samedi dernier en faveur du peuple palestinien, mais elle sera même encouragée par le ministre de l’Intérieur en personne, qui n’y a vu aucune trace d’antisémitisme, et pour cause, et ne se sent pas particulièrement visé non plus par les revendications des policiers.

Pourtant, certains syndicats ont claqué la porte des négociations dans le cadre du « Bauveau » de la sécurité et il est indiscutable que le ministre doit gérer une situation de sous effectifs et un manque de moyens criant dont il a certes hérité, mais dont il est comptable. Quant à l’autre tête de gondole de l’exécutif dans le viseur des manifestants, le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, il est également prévu qu’il participe. On se demande quand il trouve le temps de faire le travail de Garde des Sceaux pour lequel il est payé, en plus de faire campagne à temps complet pour les élections régionales dans les Hauts de France. Donc la majorité y sera, ce qui est surréaliste, considérant qu’elle est aux affaires et donc responsable de la situation actuelle pour encore un an. L’opposition de droite classique y sera aussi, car c’est son terrain de jeu préféré depuis Sarkozy et consorts. Et également le Rassemblement national, avec sa surenchère sécuritaire habituelle, en la personne de son vice-président pour ménager les jambes de Marine Le Pen, à la veille de ce qu’elle espère être sa « grande marche ».

Mais ce qui est plus nouveau, c’est que le PS et le PC, qu’on a souvent accusés de laxisme en la matière, feront aussi le déplacement. Ils ne seront donc pas en retard d’un train, et il n’est pas exclu que la France Insoumise laisse certains de ses cadres participer à titre personnel. Les organisateurs ont fait savoir qu’ils n’excluaient personne, mais bien entendu, seuls les représentants du corps policier seront autorisés à prendre la parole. On espère qu’aucun élément perturbateur ne viendra s’immiscer dans les rangs des manifestants, ce qui contraindrait le préfet de police de Paris, le sympathique Didier Lallement, à faire usage de la force et des CRS pour maintenir l’ordre contre les forces de l’ordre. Un comble, évidemment. Après une dispersion dans le calme, chacun devrait retourner vaquer à ses occupations, et les choses devraient se dérouler dans leur ordre habituel après ce raout consensuel et une union de façade aussi vite oubliée que réunie. Pour une fois, mention spéciale à Marlène Schiappa, qui a annoncé qu’en tant que ministre elle ne participe à aucune manif. Dont acte.