L’homme des bois

Vous me pardonnerez cette facilité pour désigner le fugitif qui vient de se rendre aux gendarmes après 4 jours de « cavale » dans la forêt non loin de son domicile, où il se cachait après avoir tué le patron et un employé de la scierie où il travaillait. Le profil du suspect était particulièrement inquiétant. Il disposait d’un véritable arsenal, détenu de façon légale puisqu’il était membre d’un club, et pratiquait régulièrement le tir sportif, où il avait acquis une certaine habileté. Si l’on ajoute à cela un comportement « d’ours » sur le plan social, on pouvait craindre une arrestation mouvementée.

Il n’en a fort heureusement rien été, puisque le fugitif s’est rendu de lui-même aux gendarmes auxquels il a réussi à échapper pendant plusieurs jours, affamé, manquant de sommeil, après avoir abandonné ses armes. Depuis sa disparition, l’image du départ, celle d’un tueur froid, abattant deux personnes pour un obscur conflit du travail, menaçant de vendre chèrement sa peau avec une connaissance du terrain liée à son activité de chasseur et une réputation fallacieuse de survivaliste, avait été sérieusement écornée avec l’avis de recherche de la gendarmerie. On y voyait un père de famille de 29 ans au visage enfantin, prénommé Valentin, un prénom associé à la fête des amoureux. Une impression renforcée par le message enregistré par son père pour le persuader de se rendre, où il s’adresse à son fils en tant que son « papa ». Il reste qu’on ne sait pas qui est le véritable Valentin. Il s’est excusé auprès des gendarmes en se rendant, peut-être de leur avoir donné du fil à retordre. Pour l’instant, on ignore les motifs exacts de son conflit avec son patron et son collègue, assez sérieux pour qu’il juge bon de venir au travail avec un gilet pare-balles.

Il semble être une personne susceptible, facilement en conflit avec les autres, contre lesquels il avait déposé des plaintes, lui-même en faisant l’objet, et il aurait été adepte de théories du complot. Comment expliquer que de conflits apparemment ordinaires on en soit arrivé à des assassinats commis de sang-froid avec préméditation, si l’on se fie au chef d’inculpation du procureur de la République ? J’y vois une dérive « à l’américaine ». Le suspect possédait et maniait beaucoup d’armes. Une bonne douzaine, semble-t-il. Il avait rêvé de devenir tireur d’élite, malgré une vue insuffisante, et il avait constitué une réserve de 3 300 munitions. Dans quel but ? On attendra aussi avec intérêt les expertises psychiatriques pour déterminer s’il y a eu une abolition temporaire du discernement. Peut-être le tireur lui-même apportera-t-il des précisions sur son acte, qui pour l’instant apparaît totalement disproportionné avec les différends connus. Une raison de plus pour limiter très sévèrement la prolifération d’armes à feu.