L’amour dure trois ans

C’est du moins ce que prétend Frédéric Beigbeder, qui a tôt fait d’édicter une règle générale à partir de son cas particulier. On serait tenté de lui donner raison, si l’on transpose la situation sentimentale sur un plan politique. Il y a quelques jours s’est produit un évènement encore impensable l’année dernière : le Modem de François Bayrou a voté contre un projet de loi présenté par sa propre majorité présidentielle pour organiser la sortie de l’état d’urgence sanitaire et la mise en place d’un passe sanitaire.

L’article premier n’a pas réuni suffisamment de suffrages du fait de la défection des députés centristes, mécontents du peu de considération de leurs propositions, et tenant à le faire sentir à l’exécutif. Au moment du mariage entre le parti présidentiel et sa fiancée Modem, rien n’était trop beau pour montrer sa passion : des postes ministériels en veux-tu en voilà, et un François Bayrou laissant penser qu’il murmurait à l’oreille du Président. Un bel échafaudage mis à mal par les accusations concernant les attachés parlementaires du Modem. Après la défection de plusieurs députés de la République en marche, déçus du virage à droite de plus en plus net d’Emmanuel Macron, la majorité absolue ne peut plus s’obtenir qu’avec l’appoint des 42 députés du Modem. Le président a donc retrouvé les yeux de Chimène pour François Bayrou, revenant au gouvernement par la porte étroite du poste purement honorifique de haut-commissaire au plan. Malgré ces concessions forcées à une mariée tout sauf trop belle, le président ne peut pas s’empêcher de lorgner du côté des républicains pour envisager quelques liaisons extra-conjugales, en région PACA par exemple. Des aventures sans lendemain, sauf affinités électives, si de nouvelles prises de guerre pouvaient aider à une réélection.

Cette usure de l’amour, miné par la routine, n’est pas l’apanage de la droite de plus en plus incarnée par Macron, qui ne peut plus rien grignoter sur sa gauche. La fronde des députés socialistes sous le quinquennat de François Hollande en est un témoignage. Là aussi, la dérive droitière, additionnée à un groupe pléthorique de députés à l’Assemblée nationale, poussait à la constitution d’une opposition interne, symbolisée par l’envoi au président d’une bouteille de champagne de Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, baptisée ironiquement « cuvée du redressement productif ». Des bulles qui ont fait déborder le vase et dont le PS ne s’est encore pas remis. Quant au texte de sortie de l’état d’urgence, je vous rassure. Moyennant quelques ajustements mineurs, il a été présenté une deuxième fois au vote des députés et adopté par une majorité revenue dans le rang. Où voulez-vous que la pomponnette Bayrou aille se réfugier si ce n’est chez le boulanger Macron et son fournil chaud et confortable ?