Sans appel

Nordahl Lelandais ne fera pas appel de sa condamnation à 20 ans de réclusion criminelle, dont une peine incompressible des deux tiers, pour le meurtre du caporal Arthur Noyer. Chacun avait en tête l’autre affaire pour laquelle l’accusé est également poursuivi, celle de la mort de la petite Maëlys, qui a été disjointe de la première pour d’obscures raisons de procédure. Car la thèse de l’accusé, sur laquelle il n’a jamais voulu revenir, est dans les deux cas celle d’une mort accidentelle, sans intention de la donner, assez peu vraisemblable dans chaque cas pris isolément, et totalement improbable à deux reprises.

Le hasard de l’actualité a voulu que le verdict tombe au lendemain de la mort de Michel Fourniret, qui a reconnu un grand nombre de crimes, dont celui d’Estelle Mouzin, dont le corps n’a pas pu être retrouvé pour l’instant. Toute la stratégie des avocats de Nordahl Lelandais a consisté à éviter l’amalgame avec le tueur en série, et ils y ont partiellement réussi. En droit, ce n’est pas un fait brut que l’on juge, mais une personne, replacée dans un contexte souvent complexe, d’où la notion de circonstances, atténuantes ou aggravantes. Les parties civiles ont regretté les lenteurs de la justice à tenter de reconstituer « le parcours de vie » de Fourniret pour le confronter aux témoignages qui auraient pu l’impliquer dans d’autres affaires, désormais closes par la force des choses.

Comme Fourniret, Lelandais n’a reconnu que ce qui était impossible à nier. Il menait une vie « normale » selon ses amis qui ont été stupéfaits de ce qui lui était reproché. Il a fait preuve d’un sang-froid contradictoire avec sa supposée panique après son crime en éteignant son téléphone portable et en se débarrassant du corps, retournant en « boite » dès le lendemain, comme si de rien n’était. Le tribunal a assorti la peine de réclusion criminelle d’une injonction de soins de 10 ans, sur laquelle j’émets d’énormes doutes. À aucun moment, Nordahl Lelandais n’a exprimé d’émotions sur la mort d’Arthur Noyer, bien qu’il ait formulé des regrets vis-à-vis de la famille. Le seul moment où il a semblé éprouver des sentiments, c’est lorsque ses proches l’ont adjuré de soulager sa conscience, mais on a l’impression qu’il s’apitoyait davantage sur son propre sort que sur celui de ses victimes.

La dimension sexuelle des crimes de Michel Fourniret est évidente. Il était obsédé par les petites filles et leur virginité, comme l’a révélé sa femme et complice Monique Ollivier. Cet aspect sexuel a sans doute joué un rôle également dans les crimes de Nordahl Lelandais. On lui connaissait de nombreuses conquêtes féminines, mais il aurait également fait des propositions à Arthur Noyer, et se serait rendu coupable d’attouchements sur des jeunes mineures, et peut-être sur Maëlys. Comme souvent, la justice est passée, mais les questions demeurent.