Balance ton prof ?

Y a-t-il vraiment des profs fascistes à l’Institut d’études politiques de Grenoble, et si c’est le cas, est-on autorisé à les dénoncer publiquement et nommément, en les traitant d’islamophobes, au risque de voir se répéter un drame horrible comme celui de l’assassinat de Samuel Paty ? Bien difficile de se faire une opinion sur la réalité des faits dont il est question depuis quelques jours. En cause un affichage artisanal et anonyme sur les murs de l’entrée de l’IEP de Grenoble demandant la démission de deux professeurs, qualifiés de « fascistes » et associés au slogan « l’islamophobie tue ».

Une branche locale de l’UNEF a relayé l’affichage en publiant la photo sur Facebook, avant de la retirer, devant l’émoi suscité par sa publication. Le syndicat étudiant affirme que les professeurs ont tenu des propos qu’il considère comme « islamophobes, racistes et réactionnaires », sans toutefois les citer. Le seul exemple que j’ai trouvé de l’islamophobie supposée d’un des professeurs, c’est un extrait de mail où il aurait écrit « ne pas aimer beaucoup cette religion qui lui fait parfois franchement peur ». Le propos manque peut-être de nuance, mais j’aurais tendance à l’appliquer à toutes les religions, quand elles sont pratiquées par des intégristes. À supposer que les professeurs en question soient effectivement critiques envers l’Islam, et utilisent abusivement leur statut d’autorité morale dans un sens contestable, il existe des procédures pour contester leurs propos, créer du débat contradictoire, voire lancer un procès si les faits sont établis. On se souvient du négationniste Faurisson, qui a nié l’existence des chambres à gaz alors qu’il était maitre de conférences à Lyon, et qui a été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale et contestation de crime contre l’humanité.

Dans l’état actuel de la société française, et compte tenu de la menace d’attaque terroriste, il me parait nécessaire de prendre un maximum de précaution pour ne pas livrer des personnes à l’éventuelle vengeance aveugle d’un illuminé en les nommant et en permettant de les retrouver aussi facilement que Samuel Paty. Coïncidence de l’actualité, sa jeune accusatrice de 13 ans a reconnu officiellement avoir menti à son sujet, provoquant indirectement l’emballement médiatique qui a abouti à son assassinat par un fanatique tchétchène. On a vu les dégâts que pouvait causer une accusation mensongère, basée à l’origine sur des faits inexistants. Il ne faudrait pas que l’on regrette un jour d’avoir laissé se propager des rumeurs sans s’assurer qu’elles portaient sur des bases solides. Une plainte aurait été déposée et classée sans suite contre un des professeurs. Si d’autres faits sont établis, c’est à la justice de se prononcer, et peu importe que la droite et l’extrême droite soutiennent cette cause avec l’arrière-pensée de nuire au syndicalisme étudiant.