Poule mouillée ?

On l’appelle le jeu du poulet en Amérique. Le perdant se fait traiter de « chicken ». Dans sa version hollywoodienne, le film mythique, « la fureur de vivre », met en scène la course des dégonflés où Jim, alias James Dean, est opposé à Buzz, chacun au volant de son bolide. Le dernier qui s’éjectera avant de tomber dans le ravin aura gagné. À ce jeu stupide, Buzz perdra la vie, tout comme James Dean dans la vraie vie, ou plutôt la vraie mort, mourra dans un accident de voiture avant la sortie du film.

On ne pourra pas taxer le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, de s’être dérobé à un exercice peu habituel pour un homme politique. Il s’est prêté à un jeu inattendu en se mêlant aux élèves d’une classe au cours d’une séance de sport, pour le plus grand plaisir des internautes, qui ont assuré sa promotion avec une certaine intention narquoise, il faut bien le dire. Un des exercices, qui se déroulait en extérieur, sous la pluie, consistait à se prendre pour une poule et à imiter ce volatile, ce que le ministre a réalisé avec maestria, comme s’il n’avait fait que ça toute sa vie. On l’a vu également pratiquer le « shadow boxing », la boxe contre son ombre, qui ne devait pas le dépayser beaucoup de son action politique, où il est habitué à donner des coups d’épée dans l’eau et à se battre contre des moulins à vent. Si Jean-Michel Blanquer a pris le risque de friser le ridicule, c’est évidemment pour une bonne cause, la promotion d’une campagne vantant les mérites d’une activité physique de 30 minutes par jour à l’école, ce avec quoi l’on ne peut être que d’accord. Cependant, un rapide calcul ne permet pas de démontrer la supériorité de cette recommandation sur l’ancienne prescription de 2 heures de sport hebdomadaire.

En creux, cela signifierait que les instructions officielles toujours en vigueur ne sont pas appliquées. Pas plus probablement que l’enseignement artistique qui a toujours dépendu du bon vouloir et des compétences des enseignants. La situation sanitaire actuelle est venue compliquer encore un peu plus la pratique d’un exercice physique. Des règlements ubuesques ou kafkaïens, au choix, empêchent de faire usage des gymnases, qui sont des lieux fermés, au profit de temps supplémentaire dans des salles de classe, si le temps ne permet pas de pratiquer les activités à l’extérieur. Sans exiger des ministres qu’ils restent corsetés dans une apparence rigide, un peu de dignité ne peut pas nuire au moment où le premier d’entre eux amuse involontairement la galerie en cherchant désespérément les lunettes qu’il a sur le nez, reprenant à son insu un gag récurrent. À l’animatrice télé qui lui suggérait de les porter en sautoir, il répondait que ce n’est pas très élégant. C’est précisément l’impression que dégage l’ensemble du gouvernement.