Un cigare et une surprise

On attendait Macron, comme Grouchy à Waterloo, et ce fut Castex, ce moderne Blücher, qui prit la parole à l’improviste, voire au débotté, pour annoncer contre toute attente et tous les pronostics que nous n’allions pas nous reconfiner. Enfin, pas tout de suite. Car, tel Boudu sauvé des eaux, nous n’avons peut-être reculé que pour mieux nous jeter dans le courant auquel nous semblons échapper. J’avoue avoir d’abord été soulagé de ne pas être contraint de renoncer aux derniers espaces de liberté encore accessibles et de pouvoir faire mes courses ou une promenade hygiénique sans ces satanées attestations.

Il faut croire que le pouvoir, dont tout semblait indiquer qu’il était sourd et aveugle aux préoccupations quotidiennes des Français, a quand même eu vent d’une exaspération grandissante de la population et de la dégradation du moral des troupes pouvant amener à des jacqueries dont les « gilets jaunes » ont ouvert le chemin. C’est donc dans un climat de joyeuse improvisation que le gouvernement a bricolé à la hâte quelques mesures pour démontrer qu’il ne restait pas les deux pieds dans le même sabot. La fermeture des frontières, par exemple, ça ne mange pas de pain, même si les variants du coronavirus circulent déjà activement sur le territoire national et que les cas de contamination sont trop nombreux pour trouver et isoler tous les porteurs de la maladie. Quant à la fermeture des grands centres commerciaux, comment ne pas l’interpréter comme la démonstration que le gouvernement ne tape pas toujours que sur le petit commerce ? Un effet d’affichage de plus, pour une efficacité douteuse.

En pratique, peu de gens seront en mesure de se réjouir après des annonces qui n’en sont pas. Les écoles resteront ouvertes, quand elles ne seront pas fermées pour cause de vacances. Le télétravail sera recommandé, le couvre-feu maintenu, tout cela pour combien de temps ? Ni le gouvernement ni les Français n’en savent rien. Ce manque de perspective est minant. Paradoxalement, je crois que l’annonce d’un confinement, auquel tout le monde s’attendait et faisait contre mauvaise fortune bon cœur, n’aurait pas été pire que cette prolongation de l’incertitude. À condition de voir le bout du tunnel après l’épreuve, on aurait accepté un dernier effort. Nous sommes dans la situation du quidam qui attend toute la nuit le bruit de la 2e chaussure tombant sur le plancher de son voisin du dessus, ignorant qu’il a affaire à un unijambiste, et qui n’arrive pas à fermer l’œil. Et puisque les petites blagues sont les dernières occasions de se changer un peu les idées, je vous donne la clé du titre du jour, si vous ne la connaissez pas : la surprise, c’est qu’il n’y a pas de cigare.