L’art de la fuite

Depuis un bon moment, le schéma de communication du gouvernement suit un rituel à peu près immuable. Le mercredi matin se tient la réunion du conseil de défense, puis le Conseil des ministres, tous deux présidés par le chef de l’état. En d’autres temps, les décisions issues de ces réunions auraient été annoncées dans la foulée, soit par le porte-parole du gouvernement, soit par un ministre concerné. Dans de rares cas, elles faisaient l’objet d’annonces plus solennelles de la part du chef de l’état. À présent, la formule retenue consiste à faire s’exprimer le Premier ministre le lendemain soir.

Vous aurez remarqué qu’il n’y a jamais de grandes surprises dans cette conférence de presse, pour une raison très simple. Toutes les mesures envisagées ont largement fuité dans la presse, ce qui permet de tester leur accueil dans le public, et de préparer les esprits, en tablant sur le sentiment d’avoir évité le pire. Ainsi l’extension du couvre-feu a été masquée par le soulagement de ne pas devoir reconfiner totalement une nouvelle fois, faisant presque oublier que nous sommes encore loin d’être tirés d’affaire. Je ne suis pas une petite souris, mais j’imagine d’ailleurs que ce délai permet au président de garder la main sur les décisions. Après avoir entendu les propositions des ministres et des experts, il peut ainsi se donner le temps de la réflexion et choisir en dernier ressort la voie étroite entre les contraintes en ayant connaissance des réactions de l’opinion à son ballon d’essai. Et, de fait, les mesures, même contraignantes comme ce couvre-feu dont les Français se demandent avec bon sens s’il apporte réellement une diminution de la contamination, sont plutôt bien observées, malgré quelques dérapages ponctuels.

Tout le travail de la majorité, ou ce qu’il en reste, c’est-à-dire les convaincus de la première heure, consiste alors à marteler inlassablement le même message, qui se résume dans la formule : « tout ce qui est fait est bien fait » et son corollaire « tout ce qu’on ne fait pas ne servirait à rien ». L’exemple des écoles est très révélateur. La République en Marche se glorifie d’avoir fait le choix de les laisser ouvertes, contrairement à d’autres pays où elles ont dû rester fermées. Que l’épidémie s’emballe demain avec une flambée d’un variant du virus, et la même personne vous expliquera doctement pourquoi nous devons nous aussi fermer les écoles, avec le même aplomb que quand nous devions les ouvrir. Pourquoi ne pas admettre que nous devons nous adapter aux évènements ? Certains scientifiques se demandent s’il ne faudra pas un jour vacciner aussi les enfants pour se débarrasser du virus. Si le gouvernement a des informations sur la fin de la crise, qu’il n’hésite pas à les faire fuiter !