Mémoire sélective

Le 9 novembre 1970, un peu plus d’un an après avoir quitté le pouvoir à la suite de son référendum perdu sur la décentralisation, disparaissait le général de Gaulle. Je vous avoue que cette date anniversaire m’était un peu sortie de la tête, d’autant plus que je ne partage pas cette de Gaulle mania qui en a fait le parangon de l’homme politique pour les siècles des siècles. Au point que son héritage a été revendiqué jusqu’à une époque récente par les plus droitiers de nos politiques, comme une sorte d’adoubement.

Pour la campagne des primaires de 2016, François Fillon a cru bon d’invoquer les mânes de son glorieux inspirateur en s’exclamant de façon prémonitoire, à propos de son rival Nicolas Sarkozy : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » La réponse était évidemment personne, ce qui souligne le retour en boomerang de son apostrophe quand lui-même sera bel et bien incriminé à son tour pour ses malversations. Comme chacun devrait le savoir, il y a au moins deux périodes dans la carrière du Général. Je suis trop jeune pour avoir vécu la première, celle du résistant, l’homme de l’appel du 18 juin, qui a su fédérer les Français qui ne se résignaient pas à la défaite et à l’occupation par l’Allemagne nazie. Cet homme a droit à tout le respect qu’inspirent son courage et son action dans une période où beaucoup préféraient vivre couchés plutôt que de mourir debout. Et puis, il y a eu l’homme du coup d’état permanent, qui s’est imposé au pouvoir le 13 mai 1958, et je suis trop âgé pour ne pas m’en souvenir.

Cet homme-là, je ne peux pas approuver son parcours, et j’ai subi, comme les autres, les effets de sa politique antisociale décidée dans l’exercice solitaire du pouvoir, qui aboutira au soulèvement populaire de Mai 1968, faute d’avoir tenu compte des aspirations des citoyens. Dans une conférence de presse tenue peu après son accession au pouvoir, le 19 mai 1958, il s’exclamait d’une façon faussement spontanée : « pourquoi voulez-vous qu’à 67 ans je commence une carrière de dictateur ? » 62 ans plus tard, nous pouvons proposer une réponse. Par orgueil, peut-être ? Parce qu’il a eu raison en 1940, il semble imaginer qu’il détient désormais toute légitimité pour imposer ses vues, à moins qu’un vote populaire en décide autrement, ce qui a fini par arriver. Je ne peux donc pas m’associer à un hommage qui confond toutes les périodes de sa vie dans un unanimisme sans nuances. C’est comme si l’on me demandait d’approuver la collaboration de Philippe Pétain avec l’occupant, au nom de la carrière précédente du Maréchal pendant la Première Guerre mondiale, où il a œuvré à la défense de Verdun et démontré des qualités d’organisation et de commandement.

PS : cette réserve ne justifie en rien la faute d’accord du Président Macron sur le livre d’or de La Boisserie quand il y a écrit un « qui nous permettrons » offensant les yeux sinon les oreilles des amoureux de la langue française.

Commentaires  

#1 jacotte 86 13-11-2020 11:36
les hommes sont comme les vins , tous ne s'améliorent pas avec les années!
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