Hold-up

Au moins, le titre est clair. Le documentaire de deux heures quarante qui circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux est bien une tentative d’extorquer quelques euros aux gogos qui sont à l’affut de « preuves » d’un vaste complot mondial. Une conspiration protéiforme qui prend prétexte de n’importe quel évènement pour se propager, à la manière du virus qui en est son plus récent avatar. Je ne pleurerai pas sur l’argent dépensé par les naïfs et les curieux qui ont voulu se faire une idée des thèses fantaisistes développées dans ce film, mais je me désolerai de l’étendue navrante de la crédulité humaine.

Les auteurs de cette tentative grotesque de manipulation accumulent comme des perles des informations invérifiées quand elles ne sont pas ouvertement mensongères, des affirmations sans preuve, et prétendent dénoncer une désinformation et un bourrage de crâne d’état en pratiquant eux-mêmes une propagande éhontée. Il faudrait remettre en cause toutes ses certitudes, ce qui est plutôt bien en effet, et les croire, eux, sans le commencement d’une preuve autre que le « comme par hasard » généralement de rigueur dans ces cas. Faire la liste de toutes les contre-vérités et les vrais mensonges de ces thèses ne sert de rien puisque l’on s’épuiserait à démentir sérieusement des allégations fantaisistes. La théorie du complot n’a pas besoin de preuves, il lui suffit d’insinuer le doute. Au fil des années, on a ainsi « appris » que l’homme n’était jamais allé sur la lune, que le 11 septembre avait été organisé par la CIA et qu’il n’avait d’ailleurs pas eu lieu, que John Fitzgerald Kennedy n’était pas plus mort à Dallas en 1963 qu’Adolf Hitler dans son bunker à Berlin en 1945, alors qu’il prend l’apéro tous les dimanches avec Elvis Presley. Si vous croyez le contraire, vous n’êtes que des jobards prêts à avaler n’importe quoi.

Tandis que les complotistes, eux, peuvent s’appuyer sur des sommités médicales et scientifiques incontestables, comme Marion Cottillard ou Sophie Marceau. Parfois même, ils réussissent à piéger des gens sérieux, comme Philippe Douste-Blazy, ancien ministre de la Santé, qui a été obligé de se désolidariser après coup des propos qu’il tient dans ce documentaire, ou bien Monique Charlot-Pinson, célèbre sociologue engagée, que l’on a connue plus inspirée dans sa défense des catégories sociales défavorisées. Ici, entre le virus qui aurait été disséminé volontairement par l’Institut Pasteur (ou un autre, on n’est pas raciste), le vaccin qui permettrait de prendre le contrôle des idiots qui se laisseraient inoculer un pseudo-remède, ou l’inexistence d’une maladie inventée de toutes pièces pour museler le peuple et le contraindre à obéir au pouvoir, on n’a que l’embarras du choix. On ne nous aura épargné que la traite des blanches dans les arrières boutiques d’Orléans, puisque celles-ci sont fermées.