Franc comme l’or

Nicolas Sarkozy peut enfin faire éclater sa joie. Il vient d’être innocenté par son principal accusateur dans l’affaire du financement présumé frauduleux de sa campagne électorale de 2007 par l’ancien président Khadafi. L’homme d’affaires Ziad Takieddine, non seulement accuse le juge Tournaire d’avoir déformé son témoignage, lui faisant dire des propos qu’il n’aurait pas tenus, mais décerne un brevet d’innocence à Nicolas Sarkozy avec un argument imparable, selon lequel « Khadafi ne faisait jamais ça ! » Si ce n’est pas une preuve, ça, qu’est-ce qu’il vous faut ?

Alors, ni vous ni moi n’étions présents dans le bureau du juge pour attester de la sincérité de ce monsieur, mais, malheureusement, il existe des archives de ses déclarations à la presse, dans lesquelles il change constamment de vérité et où il déclare notamment avoir personnellement porté des valises pleines de billets. Il y a donc forcément un ou plusieurs moments où il ment, mais quelles déclarations sont dignes de foi ? Mystère. Ce revirement intervient au moment où l’homme d’affaires se trouve au Liban, en rupture de ban avec la justice française qui l’a condamné en juin dernier à 5 ans de prison dans une autre affaire, celle des rétrocommissions ayant financé (déjà) la campagne de Balladur en 1995. Sarkozy était miraculeusement passé entre les gouttes alors qu’il était porte-parole du candidat et ne pouvait ignorer les dessous du financement de la campagne.

À croire que l’ex-président, impliqué dans de nombreuses affaires judiciaires, a la baraka. Cette fois encore, le témoignage à décharge de l’intermédiaire pourrait lui permettre d’échapper à la justice. Pour combien de temps ? Jusqu’au prochain revirement de Ziad Takieddine ? Nicolas Sarkozy n’aura pas tardé à réagir à la bonne nouvelle. Moins d’une heure après l’entretien donné à BFMTV et Paris-Match, il réclamait l’annulation de sa mise en examen. Nul ne sait ce qui a pu pousser Takieddine à vouloir innocenter Sarkozy, à part un accès soudain de franchise qui lui aurait rendu insupportable un complot visant à nuire à une de ses relations d’affaires. Et pourquoi précisément maintenant ? Si Nicolas Sarkozy était encore au pouvoir, ou s’il avait la moindre chance d’y revenir, on pourrait comprendre les motivations d’un monsieur qui a bâti sa fortune sur le trafic, pardon, la vente d’armes, mais ce n’est pas le cas. Vu de l’extérieur, on a l’impression que cet homme est mû essentiellement par le désir d’accumuler de l’argent, mais on se trompe peut-être du tout au tout. Si ça se trouve, il cherche surtout à faire l’important, à montrer qu’il a les cartes en main et qu’il peut être faiseur ou défaiseur de roi. Ce qui expliquerait ses multiples déclarations contradictoires et le fait apparemment incompréhensible qu’il s’incrimine lui-même et encoure ainsi des condamnations pénales. Un gars ben ordinaire, en somme.