1Q84

Georges Orwell n’a peut-être jamais été cité autant qu’en ce moment. Son livre, 1984, était une anticipation quand il l’a écrit en 1948 et le paradoxe temporel veut que nous le considérions comme passé et non futur puisque nous avons dépassé de 36 ans l’époque où se situe l’action. Le livre est devenu ce que l’on appelle de nos jours une dystopie, une sorte d’utopie, un monde alternatif qui aurait pu advenir à la place de celui que nous connaissons. Le prototype de ce genre littéraire, 1Q84, est un triptyque de l’écrivain japonais Haruki Murakami qui décrit en parallèle le monde réel de 1984 et le monde imaginaire de 1Q84.

Ce que Georges Orwell avait imaginé n’est pas advenu, littéralement, mais sous d’autres formes, la menace d’un état tout puissant, incarné par un « grand frère » qui observe nos moindres faits et gestes, est encore bien présente. La domination des esprits qui s’exerce dans la fiction par un langage spécifique, la novlangue, et même un contrôle des pensées, sans compter le conditionnement permanent par des messages subliminaux, a été avantageusement remplacée dans la réalité par la langue de bois, la publicité et le bourrage de crâne.

La première dérive sérieuse à mon sens a consisté à installer des caméras de surveillance partout, et à accuser les maires qui n’en posaient pas de ne pas faire leur travail. Dans la foulée, on les a incités fortement à recruter des polices municipales et à les armer, au risque de dérapages et de bavures, pour une efficacité supplémentaire douteuse. C’est devenu un argument incontournable dans les campagnes électorales locales. Moyennant quoi, l’état se désengage le plus possible de sa mission d’assurer la sécurité des citoyens de façon équitable sur l’ensemble du territoire et pas seulement dans les communes aisées. Il reste cependant des policiers nationaux que l’on a utilisés dernièrement pour l’arrestation musclée de 4 dangereux malfaiteurs âgés de… 10 ans ! coupables de ne pas avoir respecté à la lettre l’hommage à Samuel Paty. On ne dispose malheureusement pas d’images de l’intrusion des policiers avec des méthodes dignes du grand banditisme qu’ils sont supposés combattre. On doit donc se contenter du témoignage des parents effarés, qui ne revendiquent aucun extrémisme religieux ou politique.

Et si la loi est votée, on en verra de moins en moins d’images de violence policière, y compris quand il s’agit de déloger quelques malheureux ados bloquant l’entrée de leur lycée avec des poubelles pour protester contre l’incurie des autorités. Les policiers devront être floutés pour les rendre méconnaissables et ni les journalistes, ni les syndicalistes ou aucun protestataire que ce soit ne pourront plus faire leur travail d’information du public. Encore une fois, on va casser le thermomètre pour faire tomber la fièvre. Et si l’on retournait l’argument si souvent utilisé dans l’autre sens : « si l’on n’a rien à se reprocher, on accepte le contrôle ».

Commentaires  

#1 jacotte 86 11-11-2020 10:57
ça continue a foutre les boules, sauf que préoccupés par notre survie égoïste on ne s'aperçoit pas toujours des pièges qui se referment sur nos libertés..
Citer