Le matamore

Qu’on se le dise. Le président Emmanuel Macron n’a pas l’intention de laisser le crime dont a été victime Samuel Paty, impuni. Au cours d’un conseil de défense réunissant pas moins de 6 ministres et un procureur de la République, il a affirmé que « la peur allait changer de camp » et que « les islamistes ne pourraient plus dormir tranquilles dans notre pays ». Concrètement, cela signifie que les personnes suspectées de radicalisation religieuse, faisant l’objet d’une surveillance et fichées « S » seront reconduites vers leur pays d’origine. 231 personnes sont ainsi dans le viseur du gouvernement.

L’image de fermeté qu’entend ainsi donner le président, fait de lui au sens strict un matamore, forme francisée de l’espagnol « mata mauros », celui qui tue les Maures, terme générique utilisé pour désigner les occupants arabes ou berbères du sud de l’Espagne, contre lesquels se dressait le fameux don Rodrigue de Bivar, immortalisé par Corneille dans le Cid. Le personnage du Matamore, transposé dans la Commedia Del Arte sous le nom de Capitan, est malheureusement devenu synonyme de pleutre, de fanfaron, de hâbleur, celui qui se vante de son courage en étant en réalité d’une lâcheté insigne. Sans aller jusqu’à suspecter Emmanuel Macron de couardise, il faut bien reconnaitre que les moulinets de son épée, qu’il agite au-dessus de nos têtes, ne sont destinés qu’à masquer le fait que son estoc soit en carton. La marge de manœuvre dont dispose le pouvoir est en réalité fort étroite. Sur les 231 fichés que la France veut expulser il y en a 50 dans la nature, qu’il va falloir récupérer et leur départ, comme les 180 déjà sous les verrous, sera soumis à leur acceptation par leur pays d’origine. Il restera tous les radicalisés exclusivement français, donc inexpulsables. On sait aussi que la France n’a pas les moyens de surveiller tout le monde, et les passages à l’acte individuels passent sous les radars de la sécurité du territoire.

Bref, on l’aura compris, la stratégie du président vise à démontrer que l’état fait tout pour assurer la sécurité des Français, tout en sachant très bien qu’il ne peut garantir que les moyens et non pas les résultats. Il y a eu des précédents dans notre histoire récente, quand Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac en 1986, promettait de « terroriser les terroristes ». Ses lois liberticides n’ont cependant pas empêché les attentats ultérieurs qui se sont succédé jusqu’à nos jours. Autant les projets criminels sophistiqués organisés depuis l’étranger en faisant appel à une logistique élaborée peuvent parfois être déjoués, autant les « loups solitaires » sont imprévisibles et difficiles à démasquer. Et ce n’est pas en désignant des boucs émissaires à la vindicte populaire que l’on règlera le problème.

Commentaires  

#1 Josette 22-10-2020 14:32
Sans vouloir défendre notre président, quelle autre attitude peut-on adopter face à un tel acte de barbarie ? Il faut bien avouer que la position d'un chef d'état dans cette situation est attendue et bien sûr déjà critiquable. Mais il me semble que cette fois, on ne peut pas le blâmer, et qu'il avait l'air pour une fois assez sincère et touché.
Citer