No pasaran !

Le visage grave, empreint d’une émotion sincère, le président de la République a commenté l’attentat terroriste dont a été victime un professeur d’histoire-géographie du collège de Conflans-Sainte-Honorine hier. Il a utilisé à deux reprises un slogan qui appartient historiquement à la période de la guerre civile en Espagne : « ils ne passeront pas ». Il a appelé l’ensemble des citoyens français à faire bloc pour s’opposer aux actes terroristes et a assuré la profession enseignante de tout le soutien et la détermination de la nation. Ce faisant, il était dans son rôle, et je ne polémiquerai pas sur ce sujet.

Permettez-moi cependant une remarque et quelques réflexions. Emmanuel Macron n’est pas Dolores Ibarruri Gomez, plus connue sous le nom de « la Pasionaria », à l’origine de ce cri de révolte, appelant les républicains espagnols à faire barrage contre le fascisme menaçant en général et le franquisme en particulier. On sait comment Franco, appuyé par les divisions et les avions nazis, a remporté cette guerre et fait régner dans le pays une dictature féroce pendant près de 40 ans. Le droit était du côté des républicains, mais la force brute du côté des nationalistes. Cyniques et triomphants, les soldats franquistes clamaient à qui voulait les entendre en entrant dans Madrid, dernier bastion du progressisme : « ils avaient dit que nous ne passerions pas. Eh bien, nous sommes passés, et nous passerons ! »

Il ne suffit pas de déclarer la guerre au fanatisme pour remporter la bataille. C’est un combat long et incertain dans lequel notre pays s’est engagé, à son corps défendant, depuis très longtemps, qui a connu des périodes d’accalmie, mais qui ne s’est jamais arrêté complètement. Déjà, au début des années 60, quand je faisais mes humanités, j’avais un prof de philo qui nous alertait sur le sujet en nous disant en substance qu’il était vain de descendre dans la rue pour clamer qu’ils ne passeraient pas alors qu’ils étaient déjà passés et depuis fort longtemps, faisant allusion aux réactionnaires de tout poil et aux conservateurs dont l’idéologie dominait la nation. Il nous incitait à penser par nous-mêmes, et je ne suis pas loin de croire que c’est le meilleur conseil que l’on m’ait donné de toute mon existence.

Le professeur de collège a payé de sa vie l’ambition de faire réfléchir ses élèves sur le droit au blasphème, la liberté de penser différemment les uns des autres, de se moquer des religions, de caricaturer qui l’on veut, y compris le prophète de la religion musulmane. Ce droit lui a été dénié par des parents intolérants, qui ont, indirectement, créé un climat propice à l’attentat et la décapitation qui s’en est suivie. Si le but avoué des fanatiques islamistes est de terroriser les populations impies, le résultat en est plutôt la stupeur, l’incompréhension et l’horreur qu’inspirent de tels actes.

Commentaires  

#1 jacotte 86 17-10-2020 11:04
les mots manquent!
Citer