C’est trop inzuste !

Tout le monde connaît la formule par laquelle le poussin noir Calimero, affublé d’une moitié de sa coquille sur la tête, exprime son sentiment général sur une vie difficile. La crise du coronavirus est une nouvelle illustration des inégalités criantes de nos sociétés, dans lesquelles la France ne fait pas exception. Loin d’être tous égaux devant la maladie et la mort, nous sommes frappés de façon différentielle, et les plus pauvres sont les premières victimes. Ils sont plus touchés par le virus parce qu’ils manquent d’information et de moyens de se protéger.

La crise sanitaire se double d’une crise économique. Les plus précaires, travailleurs au noir, contrats courts, salariés d’entreprises en difficulté, sont les premiers à subir de plein fouet les pertes de revenus, ainsi que tous ceux qui ne sont pas concernés par les mesures générales d’aide gouvernementale. Paradoxalement, le confinement et les mesures de protection mises en place ont fait diminuer la consommation, et ont généré une épargne supplémentaire imprévue. Mais celle-ci ne profite pas également à tout le monde. Les 10 % les plus pauvres, non seulement ne se sont pas enrichis, mais ont même souvent régressé, alors que dans le même temps, les 10 % les plus aisés accaparaient la moitié de l’épargne supplémentaire, soit 25 milliards d’euros. Encore plus fort, si l’on prend les 1 % de Français les plus riches, ils ont augmenté leurs revenus de 27 % en 2019. La suppression de l’ISF y est probablement pour quelque chose, mais les données manquent pour l’instant. La cause en serait surtout dans la faible taxation des revenus du capital, la fameuse « flat tax » très avantageuse et poussant les entreprises rentables à verser de plus en plus de dividendes aux gros actionnaires comme aux petits.

La France n’a pas le monopole des inégalités sociales même si elle semble dans le peloton de tête des pays industrialisés. Les ultra-riches sont légion dans le monde entier. Il y avait 2189 milliardaires en juillet de cette année, battant le record de 2017, qui possédaient plus de 10 000 milliards de dollars cumulés, alors que la récession a touché presque tous les pays à des degrés divers. Contrairement à ce qu’affirment certains économistes, la fortune de ces super riches ne profite pas à ceux qui sont en bas de l’échelle sociale, ou en tout cas dans des proportions beaucoup plus faibles. La montée des inégalités ne peut donc que s’accroître mécaniquement si on laisse le marché dicter ses lois sans les corriger. Et lorsque la machine est grippée, comme dans le cas du Covid-19, elle ne fait que rebattre les cartes au profit d’une nouvelle oligarchie toujours aussi arbitraire, où quelques nouveaux riches détrônent les anciens sans remettre en cause les principes inégalitaires. C’est vraiment trop z’injuste !