Bénéfices collatéraux

On ne peut pas dire que la période soit faste sur le plan économique. Que ce soit en France ou dans la plupart des pays, industrialisés ou non, le ralentissement, voire l’arrêt complet de certaines activités, entraîne des pertes financières conséquentes et il faudra plusieurs années pour en résorber le coût. Au passage, il y aura sûrement des dommages massifs et les entreprises les plus fragiles seront contraintes à se saborder, tandis que d’autres, plus solides, profiteront d’une sorte d’effet d’aubaine à l’envers en prenant prétexte de la pandémie pour réaliser des économies sur la masse salariale en licenciant massivement.

Malgré ces augures très difficiles, il y a des raisons d’espérer pour un avenir à moyen ou long terme, et c’est principalement à cause d’un changement radical de doctrine économique. Jusqu’à présent, les experts s’accordaient sur un axiome absolu qui voulait que l’on réduise la voilure par gros temps et imposait une austérité et des sacrifices à la population quand les résultats étaient mauvais. Ce qui ne faisait en général qu’ajouter du malheur au malheur, comme on a pu le constater dans la crise grecque dans un passé assez récent. Cette orthodoxie avait force de loi, et se traduisait par la règle des 3 % du PIB qu’il ne fallait surtout pas dépasser dans son déficit national, sous peine de sanctions de la part de la Communauté européenne. D’où une politique à la Thatcher, connue sous l’acronyme TINA (there is no alternative), impitoyable avec les canards boiteux, favorable aux plus aisés.

Il y a encore quelques mois, en 2018, Emmanuel Macron justifiait son refus de moderniser l’hôpital en y injectant massivement des capitaux, par le fait qu’il n’y aurait pas « d’argent magique ». Miracle ! voici que l’on trouve des centaines de milliards pour relancer l’économie. Et tout à coup, on s’aperçoit que cet argent, bien employé, ne plomberait pas les comptes publics, mais permettrait, au contraire, de générer des bénéfices et de rembourser plus facilement la dette, faisant d’une pierre deux coups. Non seulement la cigale pourrait chanter tout l’été, mais aussi inviter la fourmi à danser cet hiver. Nécessité faisant loi, même la très économe Angela Merkel a laissé filer le déficit allemand au premier semestre 2020 au-dessus du seuil sacrosaint des 3 % du PIB. Une autre idée reçue a volé en éclats : celle d’un plafond au-delà duquel la dette deviendrait insoutenable et la nécessité absolue d’apurer les comptes sous peine de léguer une faillite assurée aux générations suivantes. En pratique, la France malgré une dette attendue de plus de 120 % de son PIB n’a aucun mal à trouver des prêteurs, à un taux très bas. Espérons que les dirigeants se souviendront des leçons de la crise quand celle-ci sera derrière nous.