J’ai honte !

J’éprouve même une honte au carré, parce que j’ai honte du comportement du président de mon pays quand il déclare avoir honte de celui des dirigeants libanais, qui n’ont pas obéi à ses injonctions, le petit doigt sur la couture du pantalon, en désignant un gouvernement d’experts chargés de mettre en œuvre une politique décidée par la France. Quel pays souverain aurait accepté une telle humiliation en échange de vagues promesses d’aide financière ? Personne n’a donc prévenu Emmanuel Macron que le mandat de la Société des Nations plaçant le Liban sous la protection de la France avait pris fin en janvier 1944 ?

Bien que cela ne serve à rien, je voudrais présenter mes excuses au peuple libanais, tout en lui demandant de considérer que s’il est certainement très désagréable pour lui de subir ponctuellement l’arrogance d’un chefaillon qui se prend pour le maître du monde, nous, citoyens français, qui avons commis collectivement l’erreur de le hisser contre toute raison à la tête de notre état, sommes bien obligés de le supporter jusqu’à la fin de son mandat. Si les Libanais ne sont pas familiers des méandres de la politique française, ce qui serait bien normal, qu’ils me laissent leur expliquer que la feinte colère, surjouée par un président français qui se croit toujours dans l’atelier de théâtre où il a rencontré sa future femme, n’est destinée qu’à masquer son échec dans la mission qu’il s’est confiée à lui-même : démontrer sa gloriole en paradant dans les quelques régions du monde où la France a conservé quelque influence. Il nous a fait le coup à chaque fois, chez nous. Se fait-il déborder par le mouvement des gilets jaunes, qu’il n’a pas vu venir et qui menace de mettre le pays à feu et à sang, qu’il met en place le contre-feu du grand débat national, destiné à détourner l’attention et à occuper la scène médiatique.

Plutôt que de reconnaître que la société libanaise, une et indépendante, est libre de choisir son destin, même s’il est différent de celui qu’il imagine pour elle, Emmanuel Macron s’est contenté de repousser son ultimatum de quelques semaines, comme s’il était chargé de décider à la place du peuple libanais et de ses dirigeants. Ne dirait-on pas qu’il a ravalé toute honte ? Que toute honte bue, et à notre courte honte, sans la moindre vergogne, il engage la France dans un combat douteux, dans le seul but de redorer un blason quelque peu terni par son inefficacité et une lutte incertaine contre une épidémie qui risque de cristalliser tous les mécontentements, où les Français pourraient le rendre responsable de toutes les frustrations et l’impopularité des mesures restrictives des libertés individuelles. Honte à lui, en effet, mais pour de bonnes raisons.