Les plumes du paon

Cette chronique devait être consacrée à la tentative désespérée d’Emmanuel Macron d’entrer au Panthéon de son vivant, en se parant du prestige de ses glorieux occupants, sachant que ses chances d’y être un jour inhumé pour l’ensemble de son œuvre sont voisines de zéro. Toute son équipe de communicants avait planché sur la question, afin de créer de toutes pièces un évènement à la hauteur de ses ambitions. C’était décidé, nous célèbrerions le 150e anniversaire de la 3e république, alors qu’il ne vous aura pas échappé que nous en sommes à la 5e et que beaucoup appellent de leurs vœux une 6e, plus démocratique.

Mais l’actualité en a décidé autrement, comme la mort d’Édith Piaf a éclipsé celle de Jean Cocteau. C’est une autre chanteuse qui a volé la vedette à Emmanuel Macron en disparaissant. Et puisque le président se pare volontiers des plumes du paon en convoquant le ban et l’arrière-ban des personnages glorieux du passé, je ne vois pas pourquoi je me gênerais pour me faire un peu mousser en évoquant Annie Cordy, que j’ai côtoyée très brièvement dans les années 60. À cette époque, j’étais pensionnaire d’une école normale visant à former des instituteurs, et je trompais l’ennui des week-ends loin de la famille en faisant partie d’un petit groupe qui pratiquait le « chant mimé » à l’instar des Frères Jacques, dont nous reprenions certains succès, comme « les catcheurs ». Le répertoire était celui de la variété, de la fantaisie, sans prétention aucune, naturellement. Le but avoué de ce « groupe culturel normalien » était de récolter des fonds pour financer un voyage de fin d’études. Cela passait par la vente de fournitures scolaires et de friandises cédées à un prix exorbitant, et donc par les cachets de son émanation artistique quand elle pouvait se produire.

Il existait des ancêtres des festivals, à une échelle plus réduite, sous la forme de Kermesses, organisées en plein air avec un dispositif scénique réduit à sa plus simple expression, une simple estrade en général avec des coulisses de fortune. C’est donc dans ces conditions spartiates que j’ai eu l’honneur de partager la scène avec Annie Cordy, avec des statuts très différents. Nous faisions partie des amuse-gueules, des faire-valoir chargés de faire patienter le public, tandis qu’elle était déjà une vedette reconnue, la tête d’affiche qui attirait le chaland. Sans être un fan inconditionnel de son répertoire, j’étais impressionné par sa renommée déjà importante, comme les autres membres de notre petit groupe. J’avais été frappé de sa simplicité. Elle semblait nous considérer, nous les amateurs à peine éclairés, comme des confrères, avec lesquels elle partageait une convivialité de circonstance dans des loges de pleine nature. C’est ce souvenir que je veux garder d’elle.

Commentaires  

#1 jacotte 86 05-09-2020 10:52
c'est ça la classe...certain pourrait prendre des leçons...
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