Le péché originel

La faute première que ce gouvernement n’en finit pas de payer, c’est d’avoir prétendu que le masque était inutile, si ce n’est même dangereux au tout début de l’épidémie, pour tenter de camoufler l’impréparation voire l’impéritie des services publics, dont les stocks avaient mystérieusement disparu de la circulation, quand ils n’étaient tout simplement pas devenus obsolètes. Ce mensonge d’état a pesé très lourd dans le manque d’adhésion et de confiance de la population dans la parole politique, et dans une moindre mesure, médicale.

Comment peut-on croire une autorité capable de défendre un point de vue et son contraire ? Après avoir voué le masque aux gémonies sous prétexte qu’il donnerait « une fausse impression de sécurité », les dirigeants sont en passe de le rendre obligatoire en tous lieux et en toutes circonstances, notamment à l’école. Comme Adam et Ève, les Français ont goûté au fruit de la connaissance et sont devenus méfiants. La nécessité du port du masque dans certaines situations a fini par être admise quand elle fait appel au simple bon sens et que les risques de contamination sont évidents. Cette prise de conscience a entraîné une vision différente du statut de ce masque. D’accessoire de protection individuelle, il est passé à outil collectif de protection de la société, et à ce titre devrait être fourni gratuitement à toute la population. Devenu obligatoire au travail, il est fourni par l’employeur, et l’on ne voit pas pourquoi il serait à la charge des familles à l’école. Les collectivités locales ou régionales l’ont bien compris qui distribuent des masques gratuitement pour les usagers des transports en commun, sans que l’état y trouve rien à redire. Il serait bien mal placé puisque lui-même a programmé l’acheminement de nombreux masques pour les familles les plus pauvres.

Je reste persuadé que le moyen le plus simple de donner accès aux masques à toute la population aurait été de le rendre gratuit pour tout le monde, y compris en installant des distributeurs dans les rues ou dans les lieux publics. Et que le président, qui a lancé le « quoi qu’il en coûte » ne vienne pas nous dire que c’est trop cher. Un député de la majorité a chiffré à 150 millions le budget nécessaire pour équiper les collégiens et les lycéens. Rapportés au plan de relance de l’économie de 100 milliards, et comparés au coût de l’épidémie et son impact sur la croissance, c’est peanuts. On pourrait même faire baisser la facture en nationalisant la fabrication des masques dont le prix a été multiplié par dix en quelques mois, malgré un plafonnement ridiculement haut. Le gouvernement a enfin admis que le message sur le port du masque devait être simple et clair pour être appliqué. Il doit y rajouter la gratuité pour obtenir l’adhésion des derniers récalcitrants.