Le thé de onze heures

C’est apparemment ce qu’aurait ingurgité Alexeï Navalny qui a le tort considérable d’être l’opposant le plus connu à la politique de Wladimir Poutine. Je ne sais pas ce qu’ils mettent dans leur thé à l’aéroport de la ville de Tomsk, mais je vous le déconseille formellement, si vous n’êtes pas un soutien inconditionnel du président russe, si l’on en juge par les cris de douleur enregistrés dans l’avion avant d’être hospitalisé en urgence à Omsk. Malgré des recherches approfondies, les équipes médicales locales ne trouveront aucune trace d’empoisonnement dans le sang d’Alexeï.

En même temps, c’est fait pour ça, les substances indétectables ou presque, comme dans les affaires de dopage, et l’on ne peut pas dire que la Russie soit en retard de ce côté-là, avec les travaux pratiques organisés à chaque compétition internationale. Officiellement, c’est donc la santé fragile de Navalny qui serait à l’origine de son malaise, auquel il a quand même failli succomber. Il a déjà été victime d’un œdème de Quincke en 2019 à la suite d’un séjour en prison. Là encore, les autorités médicales n’avaient pas trouvé de traces d’empoisonnement. Aux urgences d’Omsk, on accuse un problème métabolique causé par une faible glycémie. La fameuse fringale de onze heures en somme, comme vous et moi, à cause d’un petit déjeuner insuffisamment copieux ? De qui se moque-t-on ? La bonne nouvelle, c’est que la Russie a consenti à son transfert en avion médicalisé pour un hôpital de Berlin, qui a décelé les traces de substances toxiques, et va pouvoir le soigner en conséquence.

Malgré les dénégations des autorités médicales, au service des dirigeants du Kremlin, les antécédents montrent que l’empoisonnement fait partie de la panoplie couramment utilisée pour se débarrasser des empêcheurs de régner en rond. On se souvient particulièrement du thé (déjà) allongé au polonium 210 qui viendra à bout d’Alexandre Litvinenko en 2006 à Londres. Et aussi de Sergueï Skripal et sa fille, réchappant par miracle à une grave intoxication au Novitchok en 2018. Ou bien Vladimir Kara-Murza, un autre opposant à Poutine, empoisonné deux fois en 2015 et 2016, sauvé de justesse à chaque fois. D’autres affaires encore ont fait soupçonner les services secrets russes, comme celle de Viktor Louchtchenko, futur président ukrainien, défiguré par de la dioxine, ou Piotr Verzilov, activiste russe aveuglé par une substance inconnue.

Sans compter toute l’époque du stalinisme, où c’est l’internement psychiatrique qui prévaudra, avec en prime une surmortalité galopante dans les goulags. Le raisonnement était simple et lumineux. Seul un fou pouvait s’opposer aux décisions du chef suprême, éminemment rationnelles et guidées par le peuple souverain. La « rééducation », à la dure, si nécessaire, était le seul moyen de faire entendre raison à celui qui l’avait perdue. Comme dans tout totalitarisme, la médecine est alors à la botte du pouvoir.

Commentaires  

#1 jacotte 86 25-08-2020 11:31
le roi poutine aura comme le roi soleil son "a affaire des poisons" on a m la postérité qu'on peut
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