Citizen Dussopt

L’affaire n’est pas récente, Médiapart a déjà publié les informations en mai dernier, quand Olivier Dussopt n’était encore que Secrétaire d’État à la fonction publique, mais elle rebondit avec la perquisition au domicile de celui qui a été promu récemment Ministre délégué aux comptes publics dans le gouvernement Castex. Les faits remontent à 2017, alors qu’il était député et maire d’Annonay. Il a, à cette époque, reçu en cadeau deux lithographies offertes par la Saur, qui a obtenu ensuite le marché de fourniture et traitement de l’eau de la ville.

On ne peut pas dire que le président de la république, qui l’a nommé puis renommé au gouvernement, ni les deux Premiers ministres qui ont proposé son nom aient été mis devant le fait accompli. À quoi servirait donc la Haute autorité pour la transparence de la vie publique si de tels détails de notoriété publique lui échappaient ? Encore une erreur de casting du chef de l’état ? Pire que cela, une faute politique. Pour l’instant, il n’est pas établi que le député-maire ait reçu ces cadeaux en échange d’une faveur faite à l’entreprise, ce qui serait de la corruption passive, mais l’enquête suit son cours. Le ministre a la conscience tellement tranquille, il « ignorait » que ces œuvres d’art d’une valeur estimée à 2 000 euros devaient être déclarées à la déontologue de l’Assemblée nationale, puisqu’elles dépassaient le seuil de 150 euros, qu’il s’est cependant cru obligé de les restituer au généreux donateur si désintéressé qu’il pourrait être poursuivi pour corruption active, quant à lui. La défense du ministre est d’une indigence pitoyable. Il devrait demander conseil à son collègue Garde des Sceaux, expert en cas désespérés.

Certes, ce n’est pas un délit d’ignorer que le peintre Jean Garouste jouit d’une certaine notoriété et que la moindre de ses œuvres risque de dépasser le plafond autorisé pour « entretenir l’amitié », mais c’est d’une imprudence folle que d’accepter un cadeau, fut-il de faible valeur, d’un fournisseur. Olivier Dussopt aura du mal à plaider l’innocence naïve, lui qui pourfendait allégrement les adversaires politiques soupçonnés de mauvaise conduite, tels que Jérôme Cahuzac ou François Fillon. Quand on veut se présenter en chevalier blanc, la moindre des choses est de se comporter de façon irréprochable. La question de la présomption d’innocence, que l’on ne manquera pas d’invoquer dans cette affaire, n’a pas cours ici. Elle reste acquise au citoyen au-dessus de tout soupçon, qui en bénéficiera devant la justice, mais le ministre, lui, ne peut pas prêter le flanc à une légitime suspicion. La probité immaculée qu’il a réclamée de la part de ses collègues, il se doit de l’appliquer à lui-même. Sans compter un parcours politique erratique qui l’a conduit à préférer le pouvoir et ses avantages, plutôt que sa famille socialiste dont il a défendu les couleurs auparavant.