Appeler un chat un chat

Est-ce donc si difficile, que les autorités françaises aient ainsi tourné autour du pot après l’attaque meurtrière au sud Niger dimanche dernier ? Les informations, données au compte-goutte, provenaient directement de l’Élysée qui reconnaissait, semble-t-il, à contrecœur qu’il y avait « des Français » parmi les 8 victimes de ce qui paraissait aux yeux de tous comme un attentat ciblé. Aucun détail n’était fourni dans un premier temps, sous couvert de laisser le temps d’informer les familles, comme si le secret pouvait atténuer le choc de ce qu’il faut bien appeler un massacre, visant l’ancienne puissance coloniale.

Encore plus surprenant, l’omerta gagnait les journalistes et les médias habituellement plus prolixes, qui, là, reprenaient aveuglément les éléments du langage officiel, alors que la réalité est plus simple et malheureusement tragique. On sait désormais qu’il s’agissait de six membres d’une association humanitaire française et de leurs deux accompagnateurs nigériens, qui faisaient une excursion sur leur temps libre en allant « aux girafes » selon l’expression locale, dans une zone relativement calme habituellement, et qui sont probablement tombés dans une embuscade de la part d’une mouvance terroriste, active dans la région. Cette prudence des autorités françaises est peut-être due à la volonté de ménager le pouvoir nigérien, seul habilité à mener l’enquête sur place, dont les résultats lui seront communiqués au fur et à mesure de leur avancement. La France est en effet au cœur des évènements, avec la présence de ses forces militaires sur toute la région où sévit le terrorisme international d’Aqmi, de Boko Haram, ou de tous les groupes se réclamant de l’idéologie islamiste. L’opération Barkane, si elle a été un succès militaire dans un premier temps, ne permet pas de sécuriser toute la zone subsaharienne, et la France est bien seule dans ce combat.

Les organisations non-gouvernementales, comme Acted, à qui appartenaient les victimes de dimanche, affirment que ce sont les états qui leur demandent de faire le travail humanitaire à leur place, et qu’elles ont donc droit à une protection, y compris militaire, pour mener à bien leurs missions, au même titre que le corps diplomatique. En réalité, les ONG remplissent de plus en plus un vide, et s’investissent d’elles-mêmes dans l’action, plaçant les états devant le fait accompli. Si leur travail est remarquable de dévouement et la plupart du temps de professionnalisme, il peut arriver qu’elles ajoutent de la confusion, comme dans la célèbre affaire de l’Arche de Zoé. Il serait peut-être utile que les états reprennent la main dans les zones les plus exposées et coordonnent les efforts de tous pour éviter de rajouter des difficultés supplémentaires. En zone de guerre, car il s’agit bien de cela, la priorité doit rester d’essayer de rétablir le contrôle du territoire par les forces légitimes et de provoquer la défaite des adversaires terroristes, qui, on le voit, ne font pas de quartier.