Vieilles canailles

Je ne suis pas toujours tendre avec le personnel politique français, je le reconnais bien volontiers, mais il y a pire, comme le démontre la situation au Liban, déjà lourdement frappé par le marasme économique, la crise sanitaire du Covid 19, la crise politique ouverte et désormais cette catastrophe causée par l’explosion de produits extrêmement dangereux dans le port de Beyrouth. Quand on dit que le pouvoir libanais est prêt à tout pour se maintenir, ce n’est pas une image. Il suffit d’écouter le président, Michel Aoun, pour s’en convaincre.

Alors que la responsabilité de l’état, et donc la sienne, est clairement engagée par le simple fait d’avoir laissé entreposer des matières hautement inflammables pendant 6 ans dans une zone très proche du centre-ville, en dépit de tous les risques encourus par la population, le président Aoun tente de se dédouaner en évoquant l’éventualité d’un tir de missile, et en demandant à la France de lui fournir des images aériennes à l’appui de cette hypothèse. Une piste criminelle que rien ne vient étayer, uniquement destinée à faire diversion. Encore plus fort, Michel Aoun écarte le principe d’une enquête internationale, qui serait pourtant logique selon sa propre hypothèse d’ingérence extérieure, au motif qu’elle « diluerait la vérité ». En fait de dilution, on comprend qu’il faut surtout la dissimuler, cette vérité bien gênante, qui démontre que les institutions libanaises sont en état de déliquescence et que l’administration est rongée jusqu’à l’os par la corruption ou l’incompétence. Quel politique ou fonctionnaire haut placé avait intérêt à conserver ce stock malgré les risques pour le revendre un jour ? l’occasion a-t-elle fait le larron, ou n’est-ce que la partie émergée d’un trafic généralisé ? La clique qui s’est entendue pour nommer le général Aoun en 2016 comme président en en faisant l’otage de ses intérêts personnels préfère visiblement laver son linge sale en famille, quitte à sacrifier quelques lampistes au passage.

Mais la population, excédée, affamée, privée de tout et notamment de l’accès à la nourriture, l’eau et l’énergie, pourrait bien jouer les trouble-fête. À l’automne dernier, des manifestations monstres ont eu raison du gouvernement de Saad Hariri, sans aucune amélioration de la situation du pays. Ce ne sont pas des promesses d’élections anticipées, ou la démission ponctuelle de tel ou tel ministre, qui calmeront la rue. Le climat est clairement insurrectionnel avec l’occupation provisoire de quelques ministères pendant le week-end, et peut-être même révolutionnaire. Les manifestants supplient les pays amis du Liban de ne pas verser d’aide internationale aux dirigeants, qui s’empresseront de la détourner à leur profit. On voit bien que cette situation ne peut pas être tenable durablement. Il est nécessaire de reconstituer un état avec des figures nouvelles, jeunes, et non compromises dans les scandales. Un été libanais, en somme.