Beauvoir et Sartre

Un couple modèle ? Peut-être…

En 1928, Sartre essuie un refus à une proposition de mariage bourgeois, Simone de Beauvoir hésite entre cousin Jacques et un certain Jean-Paul, rencontré à la Sorbonne où ils préparent l’agrégation de philo. Quand son cousin annonce son mariage inattendu, elle se lance dans son amour pour Sartre.

Leur vie commune commence par la proposition d’un bail renouvelable dans deux ans. Polygame, il juge que leur « amour nécessaire » n’interdit pas les « amours contingentes ou secondaires » des deux côtés. Ils instaurent ainsi une nouvelle formule, celle de l’union libre, « un couple qui s’aime, sans institution, sans mariage, dans une liberté mutuelle et dans le souci de translucidité ».

Mais il y a beaucoup de nuances à apporter dans cette belle construction, grâce aux écrits posthumes, entre autres « les lettres au Castor » en 1983 dans lesquelles Sartre raconte à Beauvoir ses histoires de cœur, de corps, par le menu, le public est choqué…

En 1986, autre scandale suscité par les lettres destinées à Sartre et qui montrent comment Beauvoir tirait les ficelles pour conserver sa place privilégiée auprès de Sartre, la légende d’un couple libre s’écroule.

Sartre avait besoin des femmes, « ce qui me charmait avant tout c’était l’entreprise de séduction », en aimant de belles femmes il croit échapper à sa propre laideur. Simone de Beauvoir, dont il est le premier homme, est pour lui la sensibilité, l’intellect, « un amour qui se rapprocherait plutôt d’une fraternité absolue, ce ne fut pas une réussite parfaite… Il n’est pas passionné par la sexualité ».

Assez vite, Beauvoir et Sartre se lassent d’une vie devenue trop prévisible, la rencontre avec Olga devrait leur apporter la démesure. Ayant une relation amoureuse avec Simone, Olga repousse les avances de Sartre pour une relation à trois, il brûle de passion pour elle, et finalement c’est la sœur, Wanda, qui deviendra sa maîtresse en titre.

Il y aura un autre essai de relations à trois avec Bianca que Beauvoir, jalouse, renvoie brutalement, après un travail de sape auprès de Sartre... La liste des conquêtes ce dernier est très longue, il avoue 7 maîtresses à la fois ! dont une, Arlette, qu’il adoptera en 1965*… Le pacte est plus difficile à vivre pour Simone qui de son côté après beaucoup de relations féminines parmi ses élèves et nombre d’amants (Langsman, Koestler, Maheu.) met fin à une relation très amoureuse de 15 ans avec Nelson Algren. Elle applaudit à chaque rupture « … il y en a marre que des gens nous fassent chier… c’est bien stupide que nous ayons été nous jeter chacun de notre côté dans un tas d’emmerdements quand nous étions si heureux ensemble ».

Alors un modèle ce couple libre ? Sartre n’est-il qu’une version moderne du mari volage doté d’une épouse aussi possessive que complaisante ? Beauvoir est-elle aliénée par l’acceptation du pacte ? Peut-on vraiment transformer et dépasser les relations traditionnelles hommes femmes comme ils le pensaient à partir de leur propre laboratoire expérimental ?

Peut-on pardonner à l’auteur du « deuxième sexe » sa jalousie, ses manipulations, son hypocrisie, sa vulgarité ? Sans aucun doute, car on lui saura gré d’avoir jeté les bases idéologiques du mouvement féministe qu’elle soutiendra toute sa vie, militant pour une conception universaliste de l’humanité.

L’invitée du dimanche

*Beauvoir qui considérait la maternité comme un assujettissement adoptera Sylvie Lebon en 1981 après 20 ans d’amitié pour être légataire des droits de son œuvre…