Président à louer

Rien de tel, quand on n’est plus trop en odeur de sainteté dans son propre pays, que d’aller à l’étranger, là où l’on est moins connu, là où les citoyens n’ont encore qu’une vague idée de ce que l’on préconise et se fient davantage à l’image, telle qu’on a pu la façonner au cours de la campagne électorale par exemple. C’est ce que le président français, Emmanuel Macron, a dû penser en se rendant au Liban, où il a fait un véritable tabac.

Eh bien, dans ce contexte désastreux, j’ai une excellente nouvelle pour les Libanais, et elles ne courent cependant pas les rues, et, accessoirement, aussi pour les Français. Macron a été accueilli comme le messie, ce qui vérifie une nouvelle fois l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays. Parfait ! on le leur prête bien volontiers. En ce moment, nous, nous n’en avons plus tellement l’usage. Pour être franc, on est un peu saturé de réformes nuisibles et de coups de canif, que dis-je, de coups de poignard, dans le contrat social. Alors si ça peut leur rendre service, nous, ça nous fera de grandes vacances. Oui, parce que si près du terme de son quinquennat, ce n’est peut-être pas indispensable qu’il revienne, d’autant plus que ce n’est pas le travail qui manque là-bas. Franchement, à la place de Macron, je n’hésiterais pas une seconde. Il fallait le voir serrer dans ses bras hommes, femmes, enfants, un exercice devenu impossible en France avec les gestes barrière. Et puis critiquer vertement les autorités, ça fait du bien quand on en a été privé pendant plusieurs années. Il ne pouvait tout de même pas se critiquer lui-même !

À sa place, j’aurais quand même une interrogation. Les Libanais n’en peuvent plus de ces dirigeants corrompus et incompétents, cela semble acquis. Sont-ils prêts pour autant à avaler la potion amère qui a failli tuer l’économie grecque et dont l’absorption semble la condition obligée pour « bénéficier » d’une aide internationale ? Bizarrement, je le sens moins. Supposons qu’un Justin Trudeau, jeune et dynamique, se mêle de nous imposer les normes sanitaires en vigueur au Canada au nom des intérêts supérieurs des multinationales au cours d’une visite dans notre pays, je ne sais pas s’il serait accueilli à bras ouverts. Comment ? On me dit que c’est le contenu de l’accord de libre-échange conclu entre la France et le Canada ! Et qu’il est déjà en vigueur ? Est-ce que ce ne serait pas une forme de vengeance, 53 ans après, de la déclaration du général de Gaulle au cours d’une visite officielle à Montréal, quand il avait lancé cette apostrophe « vive le Québec libre » au mépris des usages diplomatiques et de la simple correction envers ses hôtes ?