Jacobins versus Girondins

En cette journée du 4 août, la tentation est grande d’évoquer la séance historique de l’Assemblée nationale constituante de 1789 pendant laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux caractérisant ce qu’il est convenu d’appeler l’Ancien régime. À l’origine de cette décision se trouvent les membres du club breton, qui donnera naissance au club des « Jacobins ». Ce club va réunir les tenants d’un état centralisé jusqu’à l’extrême, avec la figure emblématique de Robespierre, associée à la Terreur.

Depuis la Révolution française, le pays sera soumis aux influences contraires et contradictoires du centralisme, démocratique ou non, voire bureaucratique, et celles de la décentralisation, du pouvoir local, de la liberté individuelle, associées au mouvement dit des Girondins. La crise sanitaire et économique que nous traversons n’échappe pas à cette caractéristique franco-française, avec un balancement entre mesures nationales et mesures locales, qui tentent, tant bien que mal, de cohabiter. On a pu en mesurer les inconvénients par exemple avec l’affaire des masques. L’état centralisateur, a décrété dans un premier temps de les réserver au personnel soignant, puis à des professions prioritaires, avant d’être rapidement débordé par une demande anarchique. Ce sont alors les autorités locales, ou même de simples particuliers, qui ont pris le relais, non sans quelques débordements, erreurs d’aiguillage ou guéguerres fratricides. Là où la bureaucratie se révélait incapable de fournir à la population ce dont elle avait besoin en quantité et localisation nécessaires, le système D réussissait à y pourvoir, au prix d’un manque d’uniformisation des produits et des lacunes importantes dans la répartition.

Nous avons réussi l’exploit de cumuler les inconvénients des deux systèmes avant de permettre un approvisionnement convenable et sûr, alors que la mise à disposition gratuite et sur tout le territoire aurait évité la cacophonie, l’inquiétude et la méfiance envers le pouvoir central. Nous sommes en passe de rééditer cette pagaille avec la désorganisation des processus de tests qui tentent de répondre aux inquiétudes des Français et de limiter la propagation de l’épidémie en coupant les chaînes de transmission. Une bataille impossible à gagner sans une mise en œuvre rapide et efficace. Il semblerait que le gouvernement, et donc la voix de son maitre, le Président de la République, a renoncé à l’universalité des règles en vigueur sur le territoire, en déléguant aux préfets le soin de contrôler la pertinence des mesures prises par décrets par les maires. Certains, comme Christian Estrosi, n’ont pas manqué l’occasion de se mettre en valeur dans une surenchère sanitaire qui succède sans transition à la surenchère sécuritaire, les deux devenant intimement liées. On peut parier sans grand risque que chaque maire aura à cœur de soigner son image en rajoutant une couche supplémentaire de restriction des libertés publiques pour démontrer son exemplarité et conserver sa baronnie et ses privilèges.