Qui veut la peau de l'ours ?

La réponse est évidente. Depuis que la France a décidé de réintroduire cette espèce dans les Pyrénées, où elle avait presque totalement disparu en 1995 avec seulement 5 individus de la race originelle, ce sont les éleveurs de moutons qui ont eu le plus à pâtir des plantigrades qui s'en prennent aux troupeaux dans les estives. Naturellement, ils sont indemnisés pour les pertes qu'ils subissent, mais, outre les démarches administratives nécessaires pour se faire rembourser, il faut y consacrer du temps et apporter toutes les preuves indispensables. L'un dans l'autre les bergers préféreraient de beaucoup continuer leur activité pastorale sans devoir en passer par ces processus.

De leur côté, les associations favorables à la réintroduction ne veulent pas lâcher l'affaire, au nom de la biodiversité. Pour l'instant ce sont plutôt elles qui ont remporté la guéguerre permanente, puisque la population des ours dans les Pyrénées françaises s’élevait à une cinquantaine en 2019, malgré la mort il y a quelques années de l'ourse Cannelle, tuée par un chasseur. Les écologistes ont obtenu depuis un plan de nouveaux lâchers sur la période 2018-2028, immédiatement stoppé après l'arrivée de 2 femelles slovènes. Un ours espagnol a été retrouvé mort entre-temps et les recherches du chasseur qui l'aurait abattu sont toujours en cours. C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier la rencontre d'Emmanuel Macron avec les présidents des chambres d'agriculture des départements pyrénéens au cours de laquelle il aurait donné des assurances aux éleveurs au sujet de l'abandon du plan initié par Nicolas Hulot.

Personnellement, je n'ai aucun contentieux avec les ours bruns, ni aucun de leurs congénères, d'ailleurs. Cependant j'imagine que si jamais me venait l'envie de passer des vacances dans leur région, j'éviterais de me promener dans leur secteur d'habitat. Je ne m'y connais pas suffisamment pour juger si la perpétuation de l'espèce pourrait être assurée par l'existence d'un réservoir tel que la Slovénie, où ils sont considérés comme trop nombreux, mais je ne tiens pas à assurer la survie d'un ours pyrénéen au prix de ma propre viande. Je n'ai aucune envie de me retrouver nez à nez avec un bestiau de 180 kilos pour plus de 2 mètres de hauteur dans ma cuisine, comme cet américain d'Aspen dans le Colorado. Nous avons gardé l'image rassurante du Teddy Bear, cet ours en peluche cher au président Roosevelt, et nous avons oublié qu'il s'agit d'un fauve, très bien armé de ses griffes et de ses crocs, qui peut vous tuer d'une seule gifle s'il se sent menacé et capable de s'introduire jusque dans les maisons quand la faim le tenaille.