Le chant des troubadours

« Sans le chant des troubadours, n’aurions point de cathédrales » chantait Anne Sylvestre en 1960. L’incendie de la cathédrale de Nantes, survenant après celui de Notre Dame à Paris, a forcément frappé l’opinion, celle des Nantais d’abord, bien entendu, et des habitants de la région, mais aussi des Français en général, croyants et non-croyants réunis pour l’occasion. La perte de l’orgue quadri centenaire, qui avait survécu aux bombardements de la seconde guerre mondiale et à un premier incendie dévastateur en 1972, est irréparable, ainsi que la destruction de la rosace.

Bien que l’enquête n’en soit qu’à son début et que la piste criminelle semble privilégiée, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, sauf pour certains troubadours modernes, au premier rang desquels figure Michel Onfray, qui, visiblement, possède des sources d’information plus autorisées que le commun des mortels dont je fais partie, ainsi probablement que la science infuse. Interviewé par une chaine d’information continue, dès dimanche matin, le philosophe dissertait sur la recrudescence des actes « antichrétiens » allant même jusqu’à comparer cet éventuel acte criminel, s’il était confirmé, à du terrorisme « à bas bruit ». Je confirme qu’une accusation sans preuve, aussi vague que malveillante, s’apparente en effet à un bruit, de couloir si l’on est poli, ou de chiottes si l’on est franc, et qu’il fait appel aux instincts les plus bas et les plus racoleurs. Michel Onfray se fait ici l’écho et le portevoix d’un mouvement populiste qui joue sur l’émotion identitaire et souverainiste. Insidieusement, au nom des racines chrétiennes de la France, pointe le visage sournois de la fraction la plus droitière et la plus réactionnaire illustrée par Nadine Morano quand elle déclarait que la France était un pays « de race blanche ».

Ces beaux esprits s’ingénient à dénombrer les actes dits « antichrétiens » dont le seul dénominateur commun est de viser des églises, le plus souvent dans un but de lucre, parce qu’elles sont dépositaires d’œuvres d’art de prix, et de les comparer avec les atteintes aux mosquées et aux synagogues. Sans surprise, les églises, qui représentent 90 % des édifices religieux remportent la palme, mais, en proportion, les chiffres sont comparables, et le caractère malveillant est plus marqué dans les attaques antisémites ou antimusulmanes. Peu chaut à Michel Onfray, qui déroule son argumentation en se parant des plumes du libre penseur qui vole au secours des religions. En pratique, le philosophe besogneux se paie une campagne de publicité gratuite pour relancer et promouvoir son initiative de Front populaire qui n’a pas l’air d’avoir beaucoup imprimé dans l’opinion publique. Par malchance, le bénévole chargé de la fermeture des portes de la cathédrale, retenu en garde à vue, a été relâché sans poursuite contre lui. Un malheureux accident est donc encore possible. Ah ! oui, j’oubliais, Bruno Le Maire a annoncé que l’état prendrait en charge la reconstruction. Ben, c’est bien le moins puisque l’édifice lui appartient.

Commentaires  

#2 GUIBERT 20-07-2020 18:08
Ni l'orgue, ni la rosace, ni le tableau de Flandrin ne sont restaurables, ce sont des œuvres d'art perdues...c'est triste mais c'est aussi la vie des œuvres. Des samedi matin, devant la cathédrale des personnes de la droite extrême parlaient d'attentat terroriste et appelaient à la haine anti musulmane…
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#1 jacotte 86 20-07-2020 11:39
ce n'est pas difficile de faire le généreux avec l'argent des autres
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