D'homme à homme

Ce serait de cette manière, selon le chef de l'état, qu'il aurait réglé avec Gérald Darmanin la difficile question de son maintien au gouvernement malgré la procédure en cours contre lui dans l'affaire de viol et d'agression sexuelle dont il fait l'objet. Une formulation relevée à juste titre par Anne Hidalgo qui affirme qu'il ne s'agit pas d'une question pouvant être résolue par de simples échanges personnels, ce que je partage absolument. Il ne s'agit pas « simplement » du dérapage d'un employé d'Emmanuel Macron, comme dans l'affaire Benalla, lui aussi protégé inexplicablement par le Président, mais d'une accusation grave, relevant de la justice qui doit se prononcer.

Comme on le sait, le terme homme désigne à la fois la totalité de l'humanité et dans un sens plus restreint sa partie masculine. Cette ambiguïté pourrait faire croire qu'Emmanuel Macron serait gagné par une sorte de solidarité virile fort mal placée en l’occurrence, en se rangeant du côté de ceux qu'Henri Tachan appelait les z'hommes dans une de ses chansons. Mais, sans lui faire de procès d'intention, il ne peut être question d'évacuer le problème en en faisant une affaire d'homme, quel que soit le sens qu'on lui donne. Gérald Darmanin nie les faits qui lui sont reprochés, et demande à bénéficier de la présomption d'innocence, ce qui est bien naturel et ne peut pas lui être refusé. En revanche il prétend être victime d'une « chasse à l'homme » et le Président dénonce une « démocratie d'opinion » une notion fumeuse, destinée à embrouiller une affaire simplissime. Il y a des accusations graves, la justice doit trancher. L'homme Darmanin est présumé innocent, mais devait-il être renommé ministre ? Rien n'y obligeait Macron. Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays, disait Kennedy. Le meilleur service que pouvait rendre Gérald Darmanin aurait été à coup sûr de se mettre « en réserve de la République » et d'attendre le résultat des enquêtes en cours.

Il y a des précédents dans ce quinquennat. François Bayrou et les élus du Modem soupçonnés de mélanger la caisse du parti avec celle de l'Europe se sont faits démissionner, sans que la face de la terre en soit modifiée, et les faits étaient moins graves. Ou alors, non ? Un viol présumé ne serait qu'une peccadille, même pour Marlène Schiappa, qui a abandonné toute vergogne en même temps que son ministère à l'égalité des femmes et des hommes. Tout le gouvernement, comme un seul homme, s'est mobilisé pour défendre le soldat Darmanin, quoi qu'il en coûte. Et ce peut-être cher, si d'aventure il était reconnu coupable. L'affaire Griveaux a déjà coûté la mairie de Paris, sans que la leçon soit retenue.