En attendant Godot

Le temps d’écrire ce billet et il sera peut-être déjà devenu obsolète, comme tel est le lot commun de l’actualité. Dès lors que le porte-parole de l’Élysée aura égrené les noms de la vingtaine de ministres chargés de mettre en œuvre la politique du président de la République sous la houlette du nouveau Premier ministre, les rédactions sortiront les biographies des personnalités connues, déjà prêtes, tout comme leur nécrologie, d’ailleurs, et s’attelleront fébrilement à rassembler les renseignements sur les têtes nouvelles, inconnues du grand public, et qui le resteront pour la plupart d’entre elles.

Paradoxalement, les ministres les plus connus du gouvernement précédent sont aussi fréquemment les plus contestés, ceux dont les Français souhaitent le départ. Il en est ainsi de Christophe Castaner, à l’Intérieur, de Nicole Belloubet, à la Justice, de Muriel Pénicaud au Travail, ou de Jean-Michel Blanquer à l’éducation, dont l’étoile a singulièrement pâli, mais qui bénéficie de l’indulgence présidentielle. Quant au ministre de la Culture, Frank Riester, il a déjà été placardisé avant même le remaniement. En revanche, Bruno Le Maire, Jean-Yves Le Drian ou Gérald Darmanin devraient rester ministres. Pour le reste, tout semble ouvert, et, à vrai dire, le casting importe peu, puisque la politique de la France, non seulement ne se fait pas à la corbeille comme l’avait déclaré le général de Gaulle, mais pas même dans les ministères ou pendant les conseils des ministres, mais bien à l’Élysée, en comité très restreint.

Si le Premier ministre est supposé faire des propositions au président de la République, chacun sait que c’est Macron qui tranchera. Il n’est donc pas si étonnant que Jean Castex ait trouvé le temps de faire deux visites « de terrain » en trois jours depuis sa prise de fonction pour cultiver le symbole du politique proche des réalités. Son premier déplacement a été d’aller au chevet d’une entreprise, sachant les difficultés économiques qui nous attendent, tandis que le second s’adressait aux policiers, qu’il voulait assurer de son soutien en plein marasme et dans la tourmente d’un scandale dans ce même département de Seine-Saint-Denis. En pratique, le gouvernement est probablement déjà composé dans l’esprit d’Emmanuel Macron qui n’attend que les vérifications d’usage sur la probité des candidats pour éviter d’embaucher de nouveaux Cahuzac ou Thévenoud. Jean Castex aura beau clamer haut et fort qu’il veut aller vite, comme ces choristes qui scandent sur scène « marchons, marchons » sans avancer d’un pouce, il n’est pas maître du temps. Il devra même attendre le bon vouloir du Prince et son discours du 14 juillet remis à l’honneur pour les besoins de sa cause, pour être autorisé à présenter sa politique, enfin, la voix de son maître, devant la représentation nationale.