Paix à la sauce américaine

Oui, je sais, pour certains amateurs, la sauce dite américaine est en réalité une déformation de la sauce armoricaine, plus authentique et surtout… bretonne ! S’agissant de gastronomie, je veux bien céder à l’éclectisme ambiant et sacrifier exceptionnellement à la mode qui magnifie tout ce qui nous vient des États-Unis. En revanche, quand il s’agit de diplomatie et de relations entre états, la conception que se fait Donald Trump de la paix me parait des plus indigestes et me reste en travers de la gorge.

Je suis très loin de partager les idées de l’autocrate turc Erdogan, bourreau de son peuple, mais je suis obligé de constater qu’il n’a pas tort de considérer que la politique de l’administration américaine au Proche Orient la rend partiellement responsable des massacres récents dans la bande de Gaza, commis par l’armée israélienne sur l’ordre du Premier ministre. En déplaçant officiellement son ambassade à Jérusalem, Donald Trump a voulu envoyer un signal fort. Celui de la reconnaissance officielle de la ville sainte comme capitale exclusive de l’État d’Israël, enterrant définitivement toute prétention des autres communautés, et repoussant totalement une solution du conflit par la coexistence pacifique de deux états. Les Palestiniens ne s’y sont pas trompés qui se sont massés à proximité de la frontière, fournissant à l’armée israélienne un prétexte pour tirer dans le tas, non pas à l’aveuglette, mais au moyen de fusils à longue portée tenus par des snipers aguerris, pour riposter à des jets de pierre totalement inoffensifs. Le bilan, nous le connaissons : près d’une soixantaine de morts et plusieurs milliers de blessés.

Et pendant ce temps-là, le président américain, qui avait renoncé à se déplacer, envoyait un message de soutien aux Israéliens et avait le culot de déclarer qu’il espérait la paix. En parler toujours, mais ne jamais rien faire pour qu’elle advienne pourrait être le crédo de Donald Trump. Ou alors, une paix armée aux conditions du plus fort, comme a pu l’être la « pax Romana » imposée aux peuples soumis à l’empire romain et défendue à ses frontières par une barrière hermétique. On prête d’ailleurs au président américain l’intention de présenter un plan de « paix » au proche orient dans la perspective d’entériner la domination israélienne dans l’ensemble de la zone en ne laissant qu’une vague autonomie aux régions contrôlées par les Palestiniens. Un plan clés en main, tout ficelé, à prendre ou à laisser. Un plan qui pourrait être accepté par Benyamin Netanyahou, qui lui aussi réclame la paix, mais ne semble prêt à l’octroyer à ses adversaires que six pieds sous terre, pour qu’ils y reposent.