Petits bonheurs du passé

Peu importe ce qui a provoqué cette remontée des plaisirs de l’enfance, qui paraissaient au moment où on les vivait comme anodins et qui maintenant semblent essentiels pour la personne que je suis devenue. La liste serait tellement longue que je me contenterai de ne vous en révéler que quelques-uns.

Sortir de l’école, envahir l’épicerie « l’étoile de l’Ouest » pour acheter un caramel à un centime, le développer et voir écrit « gagnant », en choisir un autre et encore un autre jusqu’au fatidique « perdant ».

Grimper dans le cerisier, pour y consommer son dessert, s’en faire chasser par le jet d’eau brandi par papa.

Faire mûrir sur le toit de la buanderie les prunelles ramassées dans les buissons jusqu’à ce qu’elles nous donnent une chair rouge parfumée.

Secouer le pêcher au fond du jardin pour remplir le sac emporté au bord du Clain, pour le goûter après le bain.

Chanter avec mes sœurs dans l’arrière-cuisine à trois voix comme une vraie chorale.

Manger les « guignes » dans le verger voisin jusqu’à en avoir la colique.

Chaparder chez la mère Louise à travers le grillage de son jardin les groseilles à maquereau, brûlantes de soleil.

Partir avec mes sœurs jumelles à vélo dans les coteaux, avec les poupées et le pique-nique, et jouer tout l’après-midi en totale liberté.

Partir au petit matin quand les prés sont encore pleins de rosée ramasser les champignons.

Aider ma grande sœur à attraper ses papillons, pour ensuite les épingler pour sa collection.

Ramasser l’herbe et les feuilles d’ormeaux pour les lapins avec maman.

Dormir au soleil dans les bras de mon grand chien Mirko, mon vigile, mon gardien, mon protecteur.

Savoir enfin nager toute seule (l’apprentissage avec une bouée de fortune faite de brins de jonc fut difficile).

Grimper le soir sur les genoux de mon grand frère pour lui extorquer un peu d’argent de poche, pour acheter un citron et bien sûr mes caramels.

Faire des guirlandes avec les clématites sauvages, en faire des couronnes pour se croire une princesse.

Savoir fabriquer des sifflets avec les tiges de blé, et faire un concert…

Avoir le droit d’assister au battage, se rouler dans les tas de blé stocké dans les greniers de la ferme Robert.

Participer aux vendanges de notre petite vigne dans le chemin de la caille.

Préparer les escargots que papa ferait griller sur la braise au retour des vendangeurs.

Apprendre toute seule à faire du vélo pour pouvoir suivre les grandes sœurs, en danseuse bien sûr, je n’avais pas de vélo d’enfant.

Jouer avec mes sœurs et les copines de l’école, aux osselets, à greli-grelo, à cache-cache, au père à monter, la tour prend garde… des jeux plus simples tu meurs, mais quels plaisirs !

Grâce à tout cela, je peux dire que l’enfance a été heureuse, malgré les petits malheurs pas forcément oubliés, et réaliser que ces petits bonheurs ont été un terreau formidable où a germé mon besoin de liberté et d’espace, mon amour de la nature et des animaux, le plaisir de l’eau, la passion des jeux, le plaisir du chant… je n’ai aucune nostalgie à les évoquer, mais une reconnaissance éternelle pour avoir existé.

L’invitée du dimanche