Empathie

Selon Freud, il existe trois métiers impossibles : éduquer, psychanalyser et gouverner. Faudra-t-il y ajouter celui d’accueillir la souffrance humaine ? Ce qui a choqué à juste titre dans l’affaire de Naomi Musenga, ce n’est pas seulement le drame d’une jeune femme qui décède à l’hôpital après avoir appelé en vain les secours, mais aussi la froideur, voire le mépris avec lequel son appel à l’aide a été traité au centre SAMU de Strasbourg. Alors que la jeune femme a les pires difficultés à exposer sa symptomatologie, l’opératrice la rabroue, insinuant qu’elle n’est pas si malade et lui intime l’ordre d’appeler SOS médecins.

Tout l’échange a été enregistré, comme c’est la règle, et prend une tournure glaçante quand on connait l’issue fatale qui surviendra quelques heures plus tard. Selon toute vraisemblance, il y a eu effectivement faute professionnelle de l’opératrice qui aurait dû soumettre la situation à un avis médical et ne pas décider de son propre chef de négliger cet appel. C’est toutefois toute l’organisation des premiers secours qui est interrogée par ce fait divers, et la déshumanisation de la filière hospitalière du fait des conditions de travail, soumise à une pression permanente par l’accroissement exponentiel des demandes et la pénurie en médecine de ville. Même si, techniquement, les patients sont pris en charge correctement dans la plupart des cas, le temps manque cruellement et le stress est galopant, ce qui empêche le personnel de consacrer aux malades toute l’attention qu’ils méritent. On peut souligner la qualité admirable de beaucoup de professionnels qui conservent leur sens de l’humour et cultivent l’empathie avec les « clients » qu’ils rencontrent.

Une deuxième observation à propos de cette affaire, c’est le délai inacceptable entre les faits, qui remontent à la fin décembre, et l’attention toute récente qui leur est portée, grâce à la publication dans un journal local de la retranscription de l’enregistrement. L’enquête devra déterminer si la plainte de la famille a été traitée avec toute l’attention et la bienveillance qu’elle mérite. En particulier, s’il n’y a pas eu une forme de racisme dans les relations avec cette famille. À l’occasion de cette malheureuse affaire, d’autres personnes ont apporté leur témoignage, et certaines ont eu beaucoup de chance. Combien de cas sont restés ignorés, il est impossible de le dire. Sans cette médiatisation, le décès de Naomi serait resté à l’état de fatalité et il est probable que l’hôpital n’aurait pas cherché plus loin. On ne sait d’ailleurs toujours pas ce qui a causé cette « défaillance multi viscérale » et si une intervention plus rapide aurait pu la sauver. Quant à l’opératrice, mise à pied par mesure conservatoire, elle songerait à changer de métier, je crois en effet que ce serait sage, mais elle devra désormais vivre avec cette culpabilité.

Commentaires  

#1 jacotte 86 12-05-2018 10:46
j'ai eu affaire en décembre au service équivalent en 44 qui a au contraire mis en place tout de suite une mesure d'envoi en hôpital pour" ne pas avoir à se reprocher le soir de n'avoir pas vu venir un AVC"...que la faute impardonnable d'un service ne retombe pas sur toutes les personnes compétentes...
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