Ça passe, ou ça casse ?

Vous connaissez la réponse à cette question : ça casse, bien sûr. Même à l’autre bout du monde, même un président qui prétend ne pas regarder la télévision et ne jamais commenter la politique française depuis un pays étranger, s’est cru obligé de se fendre d’un tweet et d’une condamnation des exactions commises par des activistes qui se revendiquent eux-mêmes du nom de « black blocks ». Le phénomène n’est pas nouveau : les centres-villes de Nantes ou de Rennes peuvent en témoigner, mais leur retentissement médiatique à l’occasion du 1er mai s’est trouvé amplifié par le parisianisme.

Le décalage entre les images de vitrines brisées, de voitures incendiées, de cocktails Molotov ou de projectiles divers, et la passivité des forces de l’ordre, inexplicablement retenues pendant de longues minutes, n’a pas manqué de soulever des interrogations. Habituellement, et selon une espèce de tradition, les casseurs et les CRS se livraient à une sorte de jeu de gendarmes et de voleurs. Les fauteurs de trouble se positionnaient en queue de cortège, les forces de l’ordre les attendaient patiemment, et tout le monde pouvait en découdre tranquillement. Maintenant, les casseurs prennent la tête, ils devancent les organisateurs, et les gendarmes semblent ne plus vouloir jouer, de crainte de dommages collatéraux ou de victimes dans leurs rangs. Le préfet s’est d’ailleurs félicité du plein succès de la manœuvre, n’ayant à déplorer qu’un blessé léger parmi ses troupes. On comprend par là quel était l’objectif de la police.

Devant l’effet désastreux des reportages télévisés, le ministre de l’Intérieur nous a gratifiés d’une pirouette rappelant la publicité pour la lessive. Le dispositif, qui lavait blanc déjà, sera reconduit la prochaine fois, en mieux. Donc, la police va laver plus blanc que blanc à la prochaine manif ». C’est nouveau, ça vient de sortir. Ce qui est surtout nouveau, c’est la nature même des « incidents » comme on a coutume de les appeler. Traditionnellement, ceux que l’on appelait les casseurs venaient surtout des banlieues, et leurs destructions permettaient essentiellement le pillage organisé et l’effet d’aubaine, sans exclure un goût prononcé pour la violence plus ou moins gratuite. Les nouveaux casseurs sont politisés, ils sont nombreux et organisés. De même que les terroristes visent un impact médiatique à leurs actions, les militants extrémistes veulent faire la démonstration d’un état incapable de maintenir l’ordre. En se protégeant prioritairement plutôt que les biens ou les personnes placés sous leur responsabilité, les représentants de l’état auront fait la preuve par l’absurde du manque de pertinence de leur stratégie. Le seul effet notoire à en attendre sera une escalade de la violence destinée à tester la détermination du gouvernement, qui devra bien finir par déclencher la répression attendue, avec tous les risques que cela comporte.