13 ans

La mort d’un enfant est toujours injuste. À plus forte raison si l’on se dit qu’elle aurait pu être évitée. Angélique n’avait que 13 ans, le même âge qu’une des victimes précédentes de l’homme qui l’a tuée dans des circonstances atroces. La seule défense de son meurtrier, qui n’en est pas une, est de déclarer que « ça avait été plus fort que lui ». Et en effet, il arrive que des personnes apparemment « normales » ne sachent pas contrôler des envies et des désirs qui font d’eux des agresseurs et parfois des meurtriers.

L’homme qui a reconnu le viol et le meurtre d’Angélique avait été condamné pour des viols avec arme et avait purgé sa peine. Il était inscrit au registre des délinquants sexuels, mais n’avait commis aucun nouvel écart de conduite jusque-là. Marié, père de famille, intégré dans la société, favorablement connu dans son voisinage, il ne suscitait aucun soupçon. Immanquablement, des voix vont s’élever pour dénoncer un laxisme supposé de la justice, certains mouvements ou partis vont inévitablement réclamer une répression accrue et des mesures plus sévères allant jusqu’au rétablissement de la peine capitale, en se servant de l’émotion légitime suscitée par cette mort dramatique. Il va falloir résister à cette pression, tout en regardant la vérité en face. Oui, il y a des risques, et la société ne peut pas prétendre les éviter tous. Peut-elle mieux faire ? Certainement.

Sauf à enfermer définitivement la totalité des délinquants (et pas seulement sexuels), un certain taux de récidive est inévitable. Il est actuellement plutôt bas, et pourtant choquant dans chaque cas particulier. Les délinquants sont-ils soignés en prison ? La réponse est non. À supposer que l’administration pénitentiaire souhaite le faire, les effectifs de médecins psychiatres sont ridiculement bas et leur rôle se résume à contribuer à maintenir l’ordre en prison en prescrivant des sédatifs aux détenus les plus agités. La prison n’est sans doute pas le meilleur endroit pour soigner des personnes atteintes de psychopathies. Elle devrait cependant tenter de remplir une de ses missions fondamentales qui est la réinsertion, la préparation à une sortie inéluctable, la prévention de la récidive. L’organisation de la détention, contrairement à celle de certains pays notamment scandinaves, vise principalement la sécurité et le calme à l’intérieur, ainsi que la mise à l’écart des individus les plus dangereux, en repoussant la résolution des problèmes à la sortie, avec des moyens notoirement insuffisants. Enfin, soyons honnêtes, même les délinquants soumis à une injonction thérapeutique après leur peine en détention, ne sont pas à l’abri d’un passage à l’acte que ni eux, ni les soignants qui les suivent n’auront vu venir. Je sais, ce n’est pas très optimiste, mais ne faut-il pas être lucide ?