Et la lumière fut

Au commencement, la terre était informe et vide. Le berceau de l’humanité, l’Afrique, était plongé dans les ténèbres. Puis Jean-Louis Borloo est arrivé. Il a pris son bâton de pèlerin et s’est mis en route pour visiter les chefs d’État et les convaincre de souscrire à son grand projet. À bord de sa Fiat de luxe, telle une Papamobile, il a sillonné le continent en s’écriant : « que la lumière soit ! » et la lumière fut ! Enfin, une promesse de lumière, une ébauche de lumière, un semblant de clarté, une chandelle dans la nuit, prête à s’éteindre au moindre souffle de vent, mais c’était déjà ça.

Pendant deux ans et demi, l’ancien ministre de Sarkozy, officiellement retiré de la politique politicienne, n’a pas ménagé sa peine dans l’espoir de faire aboutir son grand projet d’électrification de l’Afrique. Tout en répétant qu’il voulait juste « aider », il a mis tout son talent de VRP pour vendre son plan à la fois aux Africains et aux dirigeants européens. La mission dont il s’était auto-investi a pris fin avec le quinquennat de François Hollande, mais il n’a pas tardé à faire ses offres de service au nouveau président, qui lui a commandé un rapport sur son ancienne spécialité, la politique de la ville, dont il fut le ministre. Las ! personne n’a prévenu Jean-Louis des nouvelles règles du jeu. La manœuvre présidentielle se déroule en deux temps et trois mouvements. Le président commande un rapport, il consulte, il laisse infuser, au bout d’un temps raisonnable (un certain temps, aurait dit Fernand Raynaud), on sort la loi et tout le monde la vote, le petit doigt sur la couture du pantacourt. Et donc, le rapport doit être conforme à la future loi, qui est déjà prête.

Voilà-il pas que Jean-Louis se mêle d’avoir des idées ! et que je t’engage des milliards, et que je propose un grand ministère de la ville (pour aider, hein !), et que je reparle d’un plan Marshall des banlieues ! non, mais ça va pas la tête ? Y a plus un rond, nib, nada, nothing ! en quelle langue faut-il le lui dire, au Colombo de Valenciennes qui promène encore son imperméable mastic dans les couloirs ministériels ? La riposte de la Macronie n’a pas traîné : c’est Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement qui s’y est collé. Le rapport n’est qu’un rapport, justement, et des ministres, y en a déjà plein (trop ?) Bref, il est urgent d’attendre. Si Jean-Louis croyait avoir effectué le 13e travail d’Hercule avec l’Afrique, c’était du gâteau à côté de ces nouvelles écuries d’Augias de la cour présidentielle.