Tragédie

C’est ainsi que les médias du monde entier qualifient la guerre que Bachar El Assad a entreprise contre son peuple ! C’est bien entendu une utilisation très élargie de ce mot, qui au départ est attaché à un genre littéraire. C’est une œuvre dramatique dont les origines remontent à l’Antiquité où des personnages illustres sont aux prises avec des conflits intérieurs et un destin exceptionnel et malheureux et qui doit inspirer la terreur et la pitié et faire réfléchir sur la condition humaine en ayant une valeur exemplaire.

Les protagonistes des affrontements en Syrie ne sont pas des personnages illustres, mais ce qui est sûr c’est qu’ils inspirent à la communauté internationale qui reste lamentablement inefficace pour leur venir en aide, terreur et pitié, et que leur destin ouvre sur des réflexions essentielles sur les chemins que prend l’humanité.

Alors acceptons le terme de tragédie, et appliquons-le aussi à toutes les guerres d’hier et d’aujourd’hui qui bouleversent le monde, conduisant aux pires de toutes les tragédies, aux génocides qui resteront dans la mémoire dans l’humanité.

Depuis le génocide des Amérindiens, on compte 12 grands génocides ayant fait trembler la planète, celui des Arméniens, du Rwanda, des Aborigènes, du peuple juif, des Chinois, des Russes sous le régime de Staline, des Cambodgiens, des Tibétains, des Ukrainiens, des Soudanais, et des Kurdes. Tous commis avec des complicités politiques et géopolitiques, souvent accompagnés d’un silence assourdissant des autres communautés.

La Première Guerre mondiale, avec ses 18 millions de morts mérite bien aussi cette appellation, bien qu’elle paraisse presque anodine à côté de la Deuxième Guerre mondiale, plus grand conflit militaire de tous les temps avec ses 60 millions de morts.

La guerre en Syrie, bien qu’elle ne compte « que » 350 000 morts, mais 1 500 000 de Syriens handicapés, 5 600 000 confrontés à des menaces vitales, et plus de 6 millions de déplacés, a bien le droit d’être qualifiée de tragédie par les observateurs, et le massacre continu, le pilonnage actuel de l’enclave de la Goutha, c’est 70 morts par jour ! C’est une tragédie qui voit s’affronter des forces qui s’estiment également légitimes, également armées, tous sont justifiables, personne n’est juste, certains états se voient réduits à des appels à la guerre sainte, comme l’ont fait Reagan, Bush ou Trump.

 On peut condamner les monstres ou les combattre cela ne permet pas d’éviter le pire, comme le disait déjà Camus en 1946 « nous sommes dans le siècle de la peur ».

Bachar El Assad, a encore de la marge pour rivaliser avec un autre provocateur de tragédies, Napoléon Bonaparte, qualifié de « tragediente, comediente » par le pape Pie VII, responsable de 1 million de morts en France, 3 millions en Europe. Selon la dramaturgie classique où le héros d’une tragédie voit sa vie se terminer dans le malheur, l’empereur a eu droit à une fin de règne dans l’exil et la déchéance, je forme tous mes vœux, pour que la règle s’applique pour le « tragediente » Bachar El Assad, vaincu par la victoire des valeurs humanistes sur la barbarie.

L’invitée du dimanche