Guerre tiède

La situation internationale actuelle est assez différente de l’époque où, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les grandes puissances victorieuses s’étaient partagé le monde à Yalta. À cette période, la rivalité entre les deux grands blocs, les Occidentaux, emmenés par les États-Unis d’une part, et l’Union des républiques socialistes soviétiques, enrôlées sous la bannière de la Russie, d’autre part, battait son plein. À tel point que les observateurs ont pu parler de la continuation du conflit mondial sous une autre forme que l’on a qualifié de « guerre froide ».

La matérialisation de ces blocs passait par une frontière hermétique dénommée « rideau de fer » prenant la forme d’un mur lorsqu’elle traversait la ville de Berlin, et dont la chute en 1989 a acté la fin de cette forme de division du monde, précédant la dislocation de l’Union soviétique et la réunification allemande. Est-ce à dire que les sources de conflit est-ouest ont disparu ? Pas le moins du monde. Bien que réduite territorialement à la seule Fédération de Russie, la nation dirigée par Wladimir Poutine entend bien continuer à jouer un rôle décisif sur la scène internationale. Je ne sais pas comment on dit « make Russia great again » en russe, mais je suis persuadé que le locataire actuel du Kremlin serait prêt à faire sienne cette devise, à l’instar de Donald Trump. On peut considérer que la tentative d’assassinat à Londres d’un ancien espion russe passé à l’Ouest, fait partie d’une stratégie destinée à démontrer la capacité de la Russie à frapper, où, qui, et quand elle le veut, en ne se donnant même pas la peine de faire semblant de respecter les formes.

Les premiers accrocs dans le tapis de billard international ont été faits en Ukraine avec l’annexion unilatérale de la Crimée, qui n’a soulevé que des protestations de principe. De quoi encourager Wladimir Poutine à jouer un rôle actif dans le conflit syrien, où il a réussi à se rendre incontournable, tout en soutenant un régime pourri jusqu’à l’os, qui s’effondrera le moment venu. C’est cet état de ni guerre ni paix, que ne désavouerait pas Emmanuel Macron, que je qualifie de guerre tiède. La Première ministre britannique, Theresa May, peut bien pointer du doigt la Russie et l’accuser nommément de pratiquer l’assassinat politique dans un pays étranger et néanmoins ami comme elle le fait tranquillement chez elle, cela ne semble pas affecter particulièrement le président russe, bien parti pour exécuter un quatrième mandat à l’issue d’élections jouées d’avance. Dans ce monde devenu multipolaire, c’est vraiment le règne du chacun-pour-soi et la politique du fait accompli qui priment. On peut compter sur notre ami Wladimir pour en tirer le plus de bénéfices possible.