Vis ma vie de SDF

J’ai longtemps hésité à intituler cette chronique « vis ma vie de merde », car, au fond, c’est bien de cela dont il s’agit. Il y a dans notre pays des hommes et des femmes dont le quotidien consiste à essayer de survivre, de surmonter les difficultés à se nourrir, à dormir et à ne pas se faire agresser en étant à la rue. Le froid glacial qui a traversé la France ces jours derniers a renforcé la pénibilité de leur existence et a permis une certaine prise de conscience de l’opinion.

C’est un cri d’alarme qu’une trentaine d’élus de tous bords a voulu pousser en passant une nuit dehors, aux côtés des SDF, à l’appel d’une jeune conseillère municipale sans étiquette de la ville d’Étampes, Mama Sy. Ces élus, revêtus de leur écharpe tricolore, et enveloppés dans des duvets, se sont installés sur les trottoirs parisiens, suivis de près par micros et caméras d’une presse dument chapitrée qui a relayé l’évènement. Le comportement des sans-abris devant ce déferlement médiatique a été, comment dirais-je, contrasté. Certains ont été touchés de ce geste, allant même jusqu’à leur donner les emplacements les plus favorables, prêts à se priver du peu qu’ils possèdent par solidarité, d’autres se sont agacés et ont rabroué les journalistes, dont ils savent qu’ils ne les reverront pas de sitôt. Car c’est la limite de ce genre de manifestation : un clou chasse l’autre, et quelques jours plus tard, il ne subsiste rien dans la presse quotidienne et les journaux télévisés de cet emballement momentané. C’est là que l’on mesure l’évolution des mentalités et les dégâts que cause le zapping permanent de l’actualité.

Quand, à l’hiver 1954, l’ancien député connu sous le nom d’Abbé Pierre, lançait son appel qui commençait par ces mots : « mes amis, au secours », il déclenchait un élan de solidarité qui faisait tache d’huile pendant des mois, et permettait de récolter des dons en nature et en espèces, favorisant le développement de l’association Emmaüs. Faut-il pour autant condamner l’initiative de ces élus de la République, qui ont eu le courage de se mettre pour une nuit dans la peau des malheureux qui subissent ces conditions de survie à longueur d’année ? Je ne le crois pas, dans la mesure où il me semble qu’il n’y a eu dans leur démarche aucune arrière-pensée politicienne. J’imagine qu’ils ont éprouvé dans leur chair la réalité d’une situation insupportable et indigne de la République dont ils sont les mandants. On peut regretter d’ailleurs que le président Macron ne se soit pas inspiré de leur attitude quand il s’est rendu à Fresnes visiter le Centre pénitentiaire : rien ne remplace l’expérience personnelle.

Commentaires  

#1 jacotte 86 03-03-2018 11:39
rien n'empêche non plus le sentiment de culpabilité personnelle de ne rien faire de concret pour aider les sans abris ...ma conscience me travaille.
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