Salauds de pauvres !

Vous savez ce que l’on dit des économistes ? De même que les météorologistes sont capables de vous expliquer le lendemain pourquoi leurs prévisions de la veille se sont révélées fausses, les économistes sont très forts pour expliquer les phénomènes après qu’ils se sont produits, mais beaucoup moins en ce qui concerne les projections dans un avenir plus ou moins proche. Pour résumer, l’économie se veut une science exacte alors qu’elle dépend énormément de ressorts psychologiques et sociologiques. Ce sont pourtant cinq économistes qui viennent de remettre un rapport au gouvernement sur l’évolution souhaitable du SMIC.

Pour commencer, et sans surprise, ils recommandent de ne pas augmenter le SMIC au-delà du strict nécessaire prévu par la loi, essentiellement l’indexation sur l’inflation, dont on peut déjà soupçonner l’impartialité du mode de calcul. Mais ils vont plus loin en proposant de supprimer toute augmentation automatique du SMIC, qu’ils accusent d’être néfaste à l’emploi. L’argument est évidemment très spécieux, et aussi contestable que la réforme du Code du travail elle-même : lutter contre la pauvreté en gelant les salaires est aussi paradoxal qu’encourager l’embauche en facilitant les licenciements. Si l’on considère que vivre avec 1151 euros nets mensuels à partir du 1er janvier 2018 relève du luxe et de la gabegie, pourquoi ne pas appliquer aux élus et au gouvernement le même barème ? Allez, tiens, j’irais même jusqu’à leur accorder le plateau-repas à 4 euros journaliers, largement suffisants pour les salariés dans certaines entreprises en grève récemment.

Ces cinq économistes ultralibéraux, si l’on veut bien excuser le pléonasme, font partie d’un comité d’experts « indépendants », nommés par le Premier ministre sur proposition des ministres chargés de l’emploi et des finances. J’ignore leur rémunération, qui semble être un secret d’État relevant de la défense nationale, mais je doute qu’elle se limite au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le président de cette commission, Gilbert Cette, qui vient d’être nommé, est connu pour avoir défendu un SMIC à géographie variable en fonction de l’âge et des régions, qui pourrait être fixé par la branche en dérogation du droit commun et pourquoi pas revu régulièrement à la baisse. Du Macron dans le texte, et pourtant la ministre du Travail a pris ses distances avec le comité en prônant la concertation. Tout cela ressemble furieusement à une pantomime dans laquelle chacun serait prié de tenir son rôle. Alors moi, j’en demanderais gros comme ça, et toi tu ne m’en accorderais qu’une partie, pour bien montrer que l’on n’est pas de mèche. Cela s’appelle aussi, en bon français, un ballon d’essai. Et pendant ce temps, les travailleurs pauvres peuvent s’estimer heureux d’être exploités, ces privilégiés.

Commentaires  

#1 jacotte 86 07-12-2017 11:13
comment disait notre "héros national" Coluche pour les salauds de pauvre...?
ils n'ont pas beaucoup d'argent mais ils savent comment le prendre...
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