Requiem pour un fou

Si vous êtes une idole des jeunes et que vous vous réveillez un matin en entendant vos chansons sur France Inter, qui ne les passe presque jamais en temps ordinaire, ne cherchez pas, c’est que vous êtes mort. J’ai failli intituler cette chronique « hécatombe ». Moi qui me suis fait une règle de ne pas tomber dans la rubrique nécrologique, me voici contraint de célébrer coup sur coup la disparition de deux monstres sacrés et la tentation était forte d’ironiser sur la comparaison entre deux intellectuels, deux penseurs qui auront influencé leur génération, chacun à sa façon.

Je n’y céderai pas. Non, vous dis-je. Bon, juste un peu alors. Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un fan de la première heure de Johnny Halliday et je n’ai pas eu l’occasion de voir ses performances sur scène, où il donnait, parait-il, la pleine mesure de son énergie. Avec le temps, il s’est bonifié et surtout il a bénéficié de l’apport de musiciens et de paroliers qui lui ont fourni la matière de chansons qu’il a su s’approprier. Johnny était une des têtes de Turc préférées des Guignols qui pointaient sa diction hésitante et ses approximations de langage quand il se proposait de « remettre les pendules à leur place ». C’était la rançon du succès, qu’il a toujours payé rubis sur l’ongle depuis ses débuts, en alimentant les gazettes friandes de potins de ses frasques et aventures sentimentales. La presse « people » lui doit beaucoup et il avait survécu à des titres qui auraient disparu bien plus tôt sans lui et quelques autres dont la famille royale d’Angleterre. Je prenais d’ailleurs personnellement de ses nouvelles chaque fois que j’allais me faire couper les cheveux.

Car, pour tout vous dire, Johnny et moi, nous étions « de la classe » comme on dit dans les campagnes. J’ai donc suivi de loin sa carrière et il a fait partie depuis toujours de mon paysage familier. Il a fini par s’imposer comme une figure incontournable de la scène française, y compris aux yeux de ceux qui, comme moi, n’étaient pas des inconditionnels de ses prestations. Il paraissait indestructible et les rumeurs qui l’ont donné pour mort à plusieurs reprises paraissaient sans fondement. Pourtant, j’ai souvenir d’une manchette récente pratiquant un humour noir involontaire qui proclamait : « depuis l’annonce de sa mort, Johnny ne va pas bien ». Tu m’étonnes. On serait démoralisé à moins. Les oiseaux de mauvais augure auront fini par avoir raison.

Commentaires  

#1 jacotte 86 06-12-2017 11:23
je me suis rappelé avec émotion de la première fois où j'ai eu connaissance de son existence... la responsable du camping où je passais mes vacances avait "fait le mur" contre la volonté de son mari pour aller l'écouter à Bandol , cela avait fait un scandale le premier peut-être dont il a été involontairement responsable....il avait 20 ans et moi un de plus!
Cela ne nous rajeunit pas n'est-ce pas?
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