Au nom du père, de la mère, etc.

Ça pourrait évoquer l’hérédité génétique, l’héritage moral, culturel, social, aussi bien que la reconnaissance que tout enfant doit pouvoir apporter un jour à ses géniteurs ! C’est tout cela à la fois !

Il arrive toujours un moment où l’on jette un regard dans le rétroviseur de son enfance afin d’y chercher un semblant de vérité, ou de remettre de l’ordre dans ses sentiments.

Longtemps, j’ai eu de mon père une vision négative et amère. J’étais largement influencée par un soutien indéfectible que j’accordais à ma mère, qui le couvrait de reproches et qui pleurait souvent. L’ambiance familiale ne donnait pas une image de bonheur et d’affection partagée. C’était une structure répandue à cette époque où les rôles étaient distribués, le père au travail, la mère au foyer, et il fallait se construire avec ces modèles.

Le père que j’ai eu n’est pas le même que celui de mes grands frères dont il était fier et pour lesquels il était présent, ou celui de ma sœur aînée, dont il respectait les reproches, les remarques sans broncher ! Plus âgé, pour les quatre dernières qui troublaient sa tranquillité, il avait décidé que leur sort et leur éducation revenaient à ma mère, elle-même très fatiguée. Il a fallu faire avec, avec un apparent manque d’intérêt, avec un semblant d’autorité marqué par des menaces de martinet…

C’est sur ce terrain familial que, comme le font tous les enfants, je me suis construite, autant par identification que par opposition, faisant mienne ou rejetant les valeurs sociales qui m’entouraient, et tissant mes rapports humains en fonction de l’image de l’homme et de la femme que l’on m’avait donnée.

Le ressentiment que j’avais à l’égard de mon père a sûrement largement conditionné mon rapport aux hommes de ma vie, comme l’image de ma mère soumise et malheureuse m’a porté à un engagement féministe.

Le modèle familial a heureusement évolué, et avec lui le rôle des parents, beaucoup de pères revendiquent leur place dans l’éducation de leurs enfants (plus de 20 % des enfants de divorcés bénéficient de la garde alternée) les enfants d’aujourd’hui se construiront donc avec une autre idée des rapports des sexes, pour devenir des adultes tolérants et respectueux des autres, à partir d’images parentales plus équilibrées, du moins je l’espère.

Pour moi, mieux vaut tard que jamais, le temps est venu de nuancer mes sentiments et d’accepter tout ce que mon père m’a transmis, volontairement ou non, sa générosité, mais aussi son égoïsme, sa franchise, son manque de complexe devant les puissants, un peu de sa mauvaise foi, sa gourmandise, le temps aussi de reconnaître les marques d’affection qu’il m’envoyait et que je ne voulais pas voir… la route a été longue, mais maintenant je veux bien que l’on dise que je suis la digne fille de mon père, ou qu’on me reconnaisse en disant « vous êtes une fille M… » Sans que cela me déplaise.

L’invitée du dimanche