Mot compte triple

Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment, mais j’ai un retard considérable sur l’actualité, que je n’arrive pas à rattraper. Voilà presque une semaine que la Commission européenne a pris la décision d’autoriser la vente et l’utilisation du glyphosate pour les 5 ans à venir, malgré l’avis défavorable de la France et grâce au vote positif de l’Allemagne, qui devait initialement s’abstenir. C’est donc une victoire pour Monsanto, principal pourvoyeur en pesticides destinés à l’agriculture, et une défaite pour les consommateurs européens, qui continueront à jouer avec leur vie en se mettant à table, sans parler des agriculteurs eux-mêmes, exposés pendant la manipulation de cet herbicide.

Cela fait déjà deux ans que le produit phare, le Round Up, est sur la sellette parce qu’il est fortement suspect d’être cancérigène. Même si une étude américaine parue au dernier moment n’a pas établi de lien statistique entre le nombre de cancers et l’utilisation de ce pesticide, rien ne permet d’affirmer qu’il serait sans danger à moyen et à long terme, et l’opinion publique se prononce, évidemment, pour l’application du principe de précaution. Car la question soumise à l’approbation des pays européens a dès le départ été mal posée. C’est le député européen José Bové qui le souligne. Il ne s’agissait pas d’autoriser l’utilisation du glyphosate pour une durée à définir : de 2 à 3 ans selon Nicolas Hulot, jusqu’à 10 ans comme le demandait Monsanto, mais d’interdire son emploi, avec effet immédiat, assorti d’une période de transition destinée à mettre en place les mesures compensatoires nécessaires. Dans 5 ans, en effet, le problème restera entier, et l’Europe ne sera pas plus prête à bannir ce produit nocif du jour au lendemain.

Cette décision met en lumière les contradictions du fonctionnement des institutions européennes. Le parlement européen, qui représente malgré tout une forme de légitimité et de représentation, même imparfaite, des citoyens, s’est lui prononcé clairement contre l’usage du glyphosate. Son avis compte visiblement pour du beurre. La Commission européenne est le reflet des gouvernements, certes élus démocratiquement, mais traversés par des courants et des alliances favorables aux lobbyings de toutes sortes, dont a su jouer la multinationale américaine Monsanto. D’où ce sentiment désagréable que l’on joue à la roulette avec notre santé. La France pourrait décider de manière unilatérale de se passer de glyphosate sur son territoire national, encore que le sujet divise jusqu’au sein du gouvernement, mais cela n’empêchera pas totalement les effets néfastes du produit dans un monde interconnecté, comme nous devons déjà le constater au sujet des OGM qui prolifèrent et se retrouvent dans nos assiettes malgré une politique volontariste.