Le baron rose

Vous connaissez la blague qui voudrait que les radicaux soient comme les radis, rouges à l’extérieur et blancs à l’intérieur ? La formule me parait s’appliquer à l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui a longtemps appartenu au Parti socialiste, mais dont la flamme révolutionnaire n’a jamais dépassé celle d’un DSK ou d’un Manuel Valls, et qui semble avoir enfin trouvé sa vocation et son épanouissement personnel auprès d’Emmanuel Macron à qui il voue un amour tout paternel. La gauche sans la gauche semble être l’alpha et l’oméga de sa pensée politique.

Invité de France Inter, et questionné sur ses relations avec le chef de l’état, il lâche au détour d’une phrase élogieuse pour son protégé qu’il a su le rallier « au bon moment ». Et je dois reconnaitre qu’à défaut de loyauté envers ses désormais anciens camarades, il a démontré un flair remarquable en devinant que son poulain allait pouvoir se faufiler dans un trou de souris et remporter une victoire improbable, alors que tous les pronostiqueurs ne lui voyaient aucune chance. Ce gars-là devrait jouer aux courses de chevaux, c’est moi qui vous le dis, il ferait fortune. Rien à voir avec les ouvriers de la 25e heure, qui ont pris le train au dernier moment en volant courageusement au secours de la victoire, ou même ceux qui l’ont raté de peu, comme Manuel Valls, condamné à regarder s’éloigner inexorablement le wagon de queue en tâchant de reprendre son souffle sur le quai de la gare. Gérard Collomb faisait partie de ces barons régionaux faiseurs de rois au Parti socialiste, grâce au jeu subtil des votes de congrès, où il faut rassembler des majorités de circonstances, un exercice longtemps maîtrisé par François Hollande, et qui lui a ouvert les portes de l’Élysée.

Son profil me rappelle furieusement celui d’un autre baron socialiste, du temps de la SFIO, de Marseille celui-là, et qui a également occupé le siège de ministre de l’Intérieur place Beauveau dans les gouvernements Mauroy. L’un comme l’autre fourvoyés dans un parti ouvrier à l’origine, ils ont défendu des positions sociales-démocrates. Gaston Deferre tentera même la carte personnelle en se présentant aux élections présidentielles de 1969 sur une ligne de centre gauche, assez proche finalement de l’aventure Macron, et subira un cuisant échec. Gérard Collomb, faute de pouvoir franchir le Rubicon lui-même a donc favorisé son jeune collègue du gouvernement sortant. On peut compter sur lui pour freiner toute velléité progressiste sur les questions de société telles que la PMA, et pour appliquer loyalement les rigueurs de l’état à l’encontre des réfugiés. N’eût été son âge avancé (70 ans), il aurait fait un Premier ministre tout à fait présentable. Le voilà à l’abri des soucis d’argent comme lorsque ses indemnités sénatoriales avaient été plafonnées à 4 000 euros mensuels en raison de son absentéisme.