La paille et la poutre

Vous connaissez la parabole. On voit plus facilement la paille dans l’œil de son voisin que la poutre dans le sien propre. Donald Trump avait été prompt à stigmatiser la France après les attentats du Bataclan au motif que nous étions désarmés et qu’une telle tuerie n’aurait pas pu se produire aux États-Unis par la vertu du 2e amendement autorisant les Américains à porter une arme. Les évènements récents à Las Vegas lui en apportent un cinglant démenti, dont malheureusement on sait par avance qu’il ne tiendra aucun compte.

Cette attaque, ainsi que celle de la gare Saint-Charles à Marseille, vient rappeler que Daech reste menaçant malgré ses revers militaires sur le terrain en Irak et en Syrie. Que ces crimes aient été directement commandités par l’organisation état islamique ou qu’ils aient été l’œuvre de déséquilibrés suivant des consignes vagues et générales ne change rien à l’affaire. Le gouvernement français va y voir une justification de son projet de loi visant à instaurer un état de siège permanent pour pérenniser l’état d’exception que constitue l’état d’urgence. Une dénomination compliquée au point que le ministre de l’intérieur lui-même a annoncé la fin de l’état de droit dans un lapsus ô combien révélateur ! Je suis un peu étonné d’ailleurs que le président actuel n’ait pas saisi l’occasion de se prévaloir de l’article 16 de la Constitution en se donnant les pleins pouvoirs, ce qui aurait du moins le mérite de la clarté à défaut du respect des libertés fondamentales.

Il me semble en effet que l’on marche un peu sur la tête dans la gestion de la menace terroriste. Récemment, la mère d’un djihadiste parti combattre en Syrie a été condamnée à deux ans de prison ferme pour « financement du terrorisme » parce qu’elle lui avait envoyé de l’argent pour s’acheter un billet de retour. Une condamnation d’autant plus troublante que la mère en question ne porte aucun signe distinctif de la religion musulmane et ne semble pas être ralliée aux idées de son fils. Par ailleurs, on attend toujours les résultats de l’instruction concernant les activités du groupe français Lafarge entre 2013 et 2014 en Syrie. Le cimentier aurait versé l’équivalent de 30 000 dollars par mois et acheté illégalement du pétrole à Daech pour conserver le droit de faire tourner son usine au nord du pays. Cette pratique aurait subsisté jusqu’à l’occupation et la prise de contrôle de l’usine par l’état islamique en septembre 2014, mettant en péril l’ensemble de ses salariés sur place. Nous pourrons alors vérifier si l’état français, comme trop souvent dans le passé, se montre aussi indulgent avec les puissants qu’il est impitoyable avec les faibles.