Le retour du nuage

Souvenons-nous. En 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait, entrainant la fusion du cœur et donc la dissémination dans l’atmosphère de matériaux radioactifs, sous forme d’un « nuage » qui allait se déplacer d’est en ouest, depuis l’Ukraine. La communauté internationale suivait le déplacement du fameux nuage et essayait de calculer les effets qu’il pourrait avoir sur les zones survolées. La France, comme d’autres pays, se trouvait sur la trajectoire des vents et les populations commençaient à s’inquiéter, à juste titre, des conséquences négatives de ce survol.

C’est au gouvernement de Jacques Chirac, Premier ministre de cohabitation, qu’il revient de gérer la situation. Pour rassurer à tout prix les Français, on trouvera un expert, le professeur Pellerin, pour prétendre que le nuage s’est arrêté à la frontière, ou qu’il a fait le tour, et qu’il n’y a donc aucun danger de contamination par le césium 137 que contient le panache. 30 ans après, la polémique n’est pas entièrement éteinte sur les conséquences exactes des retombées qui ont touché la France et en particulier la Corse. Mais les pouvoirs publics y ont acquis une expérience irremplaçable sur la meilleure manière de communiquer, d’autres diront de noyer le poisson, en cas d’alerte sanitaire importante. Et les populations en ont gardé une méfiance tenace et instinctive sur tous les messages rassurants des autorités en pareil cas.

C’est pourquoi, lorsque j’ai entendu parler il y a quelques jours du scandale des œufs contaminés à l’insecticide Fipronil, et que l’on m’a affirmé que la France était miraculeusement indemne de toute suspicion et n’était en rien concernée par cette affaire, je me suis immédiatement interrogé sur la sincérité de ces informations. Dans une Europe où les marchandises circulent plus librement que les personnes, il me paraissait étonnant, pour ne pas dire suspect, que les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, la Suède ou l’Angleterre soient touchés sans que nous soyons concernés. Et devinez quoi ? Patatras ! 13 lots ont bel et bien été livrés à deux établissements français. Et ce n’est peut-être qu’un début. Le gouvernement a aussitôt activé la deuxième ligne de défense. S’il est avéré que certains produits à base d’œuf, ou des œufs proprement dits contiennent des traces d’insecticide, les doses seraient probablement insuffisantes pour entrainer des troubles graves. Bizarrement, au lieu de me rassurer, cela m’inquiète. D’autant plus que les analyses sont en cours pour évaluer les doses et que les autorités sanitaires savent déjà que le risque sera minime. La République en marche nous avait promis une nouvelle façon de faire de la politique, sur ce sujet comme d’autres, on l’attend toujours.