Le marquis des anges

On me pardonnera cet à-peu-près, imputable à une presque homonymie entre l’ancien garde des sceaux, Michel Mercier, impliqué dans des soupçons d’emplois familiaux fictifs, et Michèle Mercier, l’actrice de la série de films sur Angélique, marquise des anges. En plus de ce patronyme, assez passe-partout, ces deux personnages ont en commun un angélisme de façade qui pourrait cacher des comportements plus volcaniques. Comme à Angélique, on donnerait volontiers à Michel Mercier le bon dieu sans confession, et même une place à la droite du seigneur Laurent Fabius au Conseil constitutionnel.

Las ! le Canard enchaîné a encore une fois frappé. Le volatile est allé exhumer des archives l’emploi des deux filles du sénateur en tant qu’attachées parlementaires au service de leur père, ce qui, à l’époque, n’était pas illégal, souligne ce dernier. Encore faut-il qu’il y ait eu travail effectif, comme cela reste à démontrer dans l’affaire Pénélope, qui a coûté la présidence à François Fillon. Le palmipède s’interroge, et nous avec lui, sur la possibilité d’assister un parlementaire à Paris tout en résidant à Londres. Pour couper court à la polémique, le nouveau membre du Conseil constitutionnel met en avant la modicité des sommes versées, 40 000 euros tout de même, et semble prêt à les rembourser. C’est un peu court, jeune homme, si l’on songe qu’il encourt quand même 10 ans de prison et un million d’euros d’amende pour détournement de fonds publics. Ce sera au Parquet National Financier de mener son enquête malgré les tentatives d’obstruction de Gérard Larcher, président du Sénat, qui s’est opposé à une perquisition dans ses locaux sous un prétexte procédurier.

C’est d’ailleurs l’occasion de rappeler que les neuf « sages », ou réputés tels, sont désignés pour un tiers par le président de la république et par les présidents des deux assemblées. Leur décision est souveraine après avis d’une commission ad hoc. C’est le Conseil lui-même qui peut apprécier si le comportement d’un de ses membres est incompatible avec sa fonction. Premier élément d’arbitraire. L’autre difficulté concerne la réalité du travail d’assistant parlementaire. Celui-ci ne bénéficie d’aucune définition précise, ce qui rend difficile d’établir s’il s’agit d’un travail effectif, et ne permet pas d’apprécier le bien-fondé et la valeur de sa rémunération. Si pour certains attachés parlementaires il s’agit d’un travail s’apparentant à du secrétariat, pour d’autres il s’agit de préparer des dossiers particulièrement précis et documentés tandis que d’autres encore se contentent d’activités de conseil ou d’expertise beaucoup moins formels. De là à rémunérer le tricot, il y a bien évidemment une marge. On attend avec intérêt les suites de l’affaire Fillon, beaucoup moins urgente depuis l’issue des élections.