Annoncez la couleur

Parmi les nouveaux députés qui arrivent par légions dans l’hémicycle, tous ne sont pas des aficionados inconditionnels d’Emmanuel Macron, même s’ils fournissent le gros des troupes. Danièle Obono fait partie de ces néophytes et a été élue dans le 19e arrondissement de Paris, sous l’étiquette de la France insoumise, dont elle est porte-parole. À ce titre, elle était l’invitée des Grandes Gueules sur RMC, et elle s’est vue sommée de proclamer son patriotisme en disant « vive la France » au micro. Pour quelle raison ?

Parce que Danièle Obono a signé en 2012 une pétition pour défendre le groupe ZEP (zone d’expression populaire) qui a créé une chanson intitulée « Nique la France » dans laquelle il s’en prenait au passé colonial, aux discriminations, au libéralisme et j’en passe. Toutes sortes d’idées déplaisant souverainement à « l’alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne », un groupuscule d’extrême droite qui a porté plainte contre le groupe. Personnellement, je ne vois rien de répréhensible à dénoncer les injustices, même si elles sont le fait de mon propre pays. Cela n’enlève rien, je dirais même au contraire, au sentiment d’appartenance à une communauté dont on aimerait qu’elle soit exemplaire. Danièle Obono n’a fait que défendre la liberté d’expression des artistes, et je ne vois pas au nom de quoi elle devrait être suspectée de haute trahison. Peut-être parce qu’elle a bénéficié d’un ascenseur social, grâce à l’école de la République, qui lui a permis de s’élever au grade de député, alors qu’elle ne partait pas gagnante, car, il faut le préciser, Danièle Obono est noire.

Je sais. Cette mention ne devrait pas avoir lieu d’être. Pourtant, le doute s’instille quand on constate que la pétition avait été signée par de nombreuses personnalités, parmi lesquelles on trouvait Noël Mamère, Clémentine Autain, Éric Coquerel, Éva Joly ou Olivier Besancenot. Aucun d’entre eux n’a été contraint de proclamer son amour de la patrie ni de prouver sa bonne foi. Comme si le doute ne pouvait frapper que les plus colorés de nos concitoyens, ou que l’on ne pouvait dénoncer les errances de son pays qu’à condition d’avoir la bonne couleur de peau. Cette idéologie ne cesse de gagner insidieusement du terrain. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que la discrimination finit par s’insinuer dans nos mentalités. Le cliché illustrant cette histoire dans le journal Libération, qui n’est pourtant pas suspect de racisme, montre un groupe de députés de la France insoumise, et la légende précise que Danièle Obono est reconnaissable à son tee-shirt vert, alors qu’elle est la seule noire.